La future Premier ministre thaïlandaise rejoindra cette semaine une longue liste de femmes asiatiques parvenues au pouvoir grâce à leurs liens familiaux. Une tendance qui n'est pas forcément un signe de victoire pour la parité, selon les analystes.

Yingluck Shinawatra, novice en politique, est passée de l'anonymat à la célébrité lorsque son frère, l'ancien Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, l'a propulsée tête-de-liste du parti d'opposition Puea Thai pour les législatives du 3 juillet. En la décrivant comme son clone.

Et cette ascension fulgurante, qui doit faire d'elle vendredi la première Thaïlandaise chef de gouvernement, n'est pas unique en Asie-Pacifique, où beaucoup de femmes sont arrivées au sommet grâce à leur nom, souvent après la mort d'un membre de leur famille.

En 1960, après l'assassinat de son mari, Sirimavo Bandaranaike devient Premier ministre du Sri Lanka. Elle est la première femme au monde à occuper ce poste.

En Inde, Indira Gandhi suit les traces de son père Jawaharlal Nehru, comme la Pakistanaise Benazir Bhutto et l'Indonésienne Megawati Sukarnoputri.

Et la Birmane Aung San Suu Kyi aurait également repris le flambeau de son père, héros de l'indépendance, si la junte avait accepté sa victoire aux élections de 1990.

Mais selon les analystes, ce phénomène est plus lié à l'hégémonie de dynasties politiques dans la région qu'à une amélioration de l'égalité homme-femme.

Les femmes asiatiques traditionnelles ne «sont pas supposées être des leaders politiques» dans une région dominée par une culture patriarcale «macho», commente Paul Chambers, chercheur à l'université Payap de Chiang Mai, en Thaïlande.

Mais des partis politiques «sous-développés» laissant des familles puissantes dominer ont créé des opportunités pour des femmes. En dernier recours.

Ces dynasties préfèrent faire confiance à leur famille, mais «quand des hommes chef de parti n'ont pas de parent masculin disponible, ils se tournent vers leurs filles», ajoute-t-il.

Certains hommes sont aussi parvenus au pouvoir de cette façon, tempère Bridget Welsh, professeur de sciences politiques à Singapour. Comme le mari de Bhutto, Asif Ali Zardari, actuel président pakistanais.

Les dynasties politiques existent aussi ailleurs, mais l'Asie manque singulièrement de femmes étant parvenues au sommet d'une autre manière.

En Thaïlande, la victoire de la photogénique femme d'affaires Yingluck, accompagnée du slogan «Thaksin pense, le Puea Thai fait», a été vue plus comme celle de son frère que comme une avancée du féminisme.

Et si les Thaïlandaises occupent des places de choix dans le monde des affaires, elles n'étaient que 13% dans l'assemblée nationale issue des précédentes élections de 2007, selon l'Union interparlementaire.

Alors que la moyenne est de 19,5% dans le monde et de 18,3% en Asie, selon cette organisation des parlements du monde.

Avoir une femme à la tête du pays ne garantit pas non plus un changement d'état d'esprit des populations.

Ainsi, malgré leur histoire de femmes fortes au pouvoir, plus de 50% des Pakistanais et des Bangladais estiment que les hommes sont de meilleurs dirigeants, selon une étude de 2007 du Pew Research Centre.

«L'Asie n'a pas encore eu sa Margaret Thatcher», commente Chambers en référence à l'ancienne Premier ministre britannique.

Mais les choses changent malgré tout, petit à petit.

Par exemple à Taïwan, la leader de l'opposition Tsai Ing-wen, sans soutien familial, est candidate à l'élection présidentielle de janvier 2012.

«Ayant vu des femmes dirigeantes, les électeurs asiatiques sont de plus en plus susceptibles d'accepter de plus en plus de femmes politiques. Alors le temps est venu pour une présence féminine plus importante dans la politique asiatique», prédit Chambers.