Aung San Suu Kyi va rencontrer lundi un ministre, premier dialogue officiel entre l'opposante et le nouveau régime «civil» mis en place en Birmanie après les élections de novembre, a-t-on appris samedi auprès d'un responsable birman.

La lauréate du prix Nobel de la paix, qui a été libérée juste après le scrutin à la fin de l'année dernière, s'entretiendra avec Aung Kyi, ministre du Travail, aussi chargé des relations avec l'opposante, a précisé ce responsable sous couvert de l'anonymat.

«Ce sera leur première rencontre depuis que le nouveau gouvernement a été formé», a-t-elle ajouté en précisant qu'elle aurait lieu dans une maison d'hôtes du gouvernement.

Le parti de Mme Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND, dissoute), n'a pu confirmer ce rendez-vous à l'AFP. «On ne nous a encore rien dit», a déclaré son porte-parole, Nyan Win.

Les élections de novembre 2010, considérées comme une mascarade en Occident, ont permis à la junte du généralissime Than Shwe de convoquer un parlement, avant de s'auto-dissoudre et de passer la main à un gouvernement dit «civil» mais entièrement contrôlé par les militaires.

Depuis, Than Shwe, qui déteste Suu Kyi et avait exercé un pouvoir absolu sur le pays depuis 1992, a pris sa retraite. Mais le nouveau président n'est autre que le Premier ministre sortant et ex-général Thein Sein.

À sa libération, la «Dame» de Rangoun avait indiqué être prête à discuter avec le pouvoir, en vain jusqu'à présent. Elle va désormais pouvoir s'entretenir avec Aung Kyi, déjà investi des mêmes fonctions dans le précédent gouvernement.

Tous deux s'étaient notamment rencontrés fin 2009, alors qu'elle était encore en résidence surveillée.

Aucun détail n'a été divulgué sur le contenu des entretiens mais les journalistes devraient être invités à assister aux premiers instants.

Le changement de régime a été accueilli avec un mélange d'espoir et de prudence par l'opposition et la communauté internationale.

En Indonésie où elle se trouvait pour un sommet asiatique, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a appelé samedi les autorités birmanes à choisir entre la poursuite d'un régime militaire et la mise en place d'un véritable gouvernement démocratique.

«Les autorités de Naypyidaw peuvent se différencier du régime militaire précédent, en montrant qu'elles sont en effet un "nouveau gouvernement civil", qui est sensible aux aspirations démocratiques et aux intérêts du peuple (...) ou elles peuvent continuer leur chemin actuel», a-t-elle déclaré.

La Chambre des représentants américaine avait approuvé mercredi la reconduction des sanctions visant la Birmanie, adoptées pour la première fois en 2003.

La LND, victorieuse des élections de 1990 sans jamais être autorisée à exercer le pouvoir, avait boycotté celles 2010 et avait été en conséquence dissoute par la junte. L'opposante a souvent été depuis décrite comme isolée et dépourvue de stratégie politique par ses détracteurs.

Mais elle vient d'effectuer un premier voyage privé à Bagan (centre) depuis sa libération, au cours duquel elle a attiré des admirateurs émus, et a évoqué sa volonté d'organiser une tournée en province à une date non précisée.

Ce projet lui avait valu de recevoir les avertissements du quotidien officiel New Light of Myanmar, selon lequel une telle tournée pourrait entraîner «le chaos et des émeutes».

L'opposante a pu rendre hommage mardi dernier à son père Aung San, héros de l'indépendance, pour sa première participation en neuf ans à la très officielle «journée des Martyrs» à Rangoun.

Les analystes affirment cependant que le régime ne la laissera pas reprendre de véritables activités politiques.