L'opposition en Thaïlande, proche de l'ex-chef de gouvernement en exil Thaksin Shinawatra, a largement remporté les législatives de dimanche, une victoire reconnue par le Premier ministre sortant qui a appelé le pays à «l'unité et la réconciliation».

Ce scrutin est considéré comme essentiel pour que le royaume sorte enfin de la violence politique et réduise le profond fossé qui sépare les élites de la capitale des masses urbaines et rurales défavorisées, toujours fidèles à Thaksin cinq ans après le coup d'État qui l'a renversé.

«Le résultat est clair: le Puea Thai a gagné les élections et les Démocrates sont battus», a déclaré le premier ministre sortant Abhisit Vejjajiva.

Il a dans la foulée invité Yingluck Shinawatra, la soeur de Thaksin, à être la première Thaïlandaise à former le gouvernement, ajoutant vouloir «voir l'unité et la réconciliation» dans le pays après les violences de ces dernières années.

«La population m'a donné une chance, je ferai de mon mieux pour le peuple», a immédiatement répondu la photogénique femme d'affaires de 44 ans, indiquant qu'elle avait déjà contacté un parti minoritaire pour former une coalition.

«Il y a beaucoup de choses à accomplir pour rendre la réconciliation possible, ouvrant la voie à des fondations solides pour une Nation prospère», a-t-elle ajouté.

Les sondages à la sortie des urnes à 15H00 avaient promis un raz-de-marée au Puea Thai, avec autour de 300 sièges, mais son avance s'est ensuite réduite avec l'arrivée des résultats réels, malgré tout moins serrés que ne le prévoyaient les observateurs il y a quinze jours.

À 20H00 (9H00 heure de Montréal), sur la base du dépouillement de 92% des voix, le Puea obtenait 260 sièges sur les 500 de la future assemblée et le Parti démocrate 163, selon la Commission électorale.

Le parti d'opposition aurait donc mathématiquement la possibilité de gouverner seul. Mais Thaksin lui-même a déclaré dimanche, depuis Dubaï où il vit en exil pour échapper à la prison, qu'une coalition était «toujours nécessaire».

«Ce n'est pas bon pour le Puea Thai de travailler tout seul».

Yingluck, que Thaksin a décrite comme son «clone», n'avait aucune expérience lorsqu'elle a été propulsée sur la scène politique il y a moins de deux mois.

Mais elle a su admirablement surfer sur une campagne qui, comme lors des trois précédents scrutins, s'apparentait à un référendum pour ou contre son frère.

Alors que le Puea Thai a évoqué une amnistie pour tous les hommes politiques condamnés, dont lui, les Démocrates ont crié au scandale.

Les résultats de dimanche ne signifient pas que les électeurs «ont donné mandat pour blanchir quiconque», a insisté Abhisit, promettant que les Démocrates «s'opposeraient à toute tentative d'amnistie».

«Je n'ai pas besoin de rentrer à la maison bientôt (...). Je ne veux pas causer de problèmes en rentrant», a tenté pour sa part de rassurer le milliardaire, ajoutant toutefois qu'il «espérait absolument assister au mariage de sa fille» en décembre en Thaïlande.

Le scrutin s'est déroulé dans le calme, en dépit de déclarations alarmistes de nombreux experts et protagonistes qui craignaient des violences, un an après les manifestations des «chemises rouges» au printemps 2010.

Jusqu'à 100 000 manifestants, pour la plupart fidèles à l'ancien magnat des télécommunications, avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission d'Abhisit, avant d'être délogés par l'armée au terme de plusieurs jours de guérilla urbaine.

La crise, la plus grave qu'ait connue la Thaïlande moderne, avait fait plus de 90 morts et 1900 blessés.

Dans un pays qui a connu 18 coups d'État ou tentatives depuis 1932, l'armée est elle aussi soupçonnée de vouloir s'immiscer dans le processus électoral. Et malgré ses dénégations, son puissant chef Prayut Chan-O-Cha, qui avait appelé à voter pour les «bonnes personnes», n'a pas réussi à complètement apaiser les rumeurs de putsch.

L'ampleur de la victoire de l'opposition complique pourtant une intervention militaire.

Thaksin et ses alliés ont remporté toutes les élections depuis 2001. Mais ils ont été chassés du pouvoir par les militaires en 2006, puis à deux reprises par la justice en 2008, permettant l'arrivée au pouvoir d'Abhisit à la tête d'une coalition de six partis.

Le milliardaire vit en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières. La moitié de sa fortune a été saisie l'an dernier. Il est également poursuivi pour terrorisme pour son soutien présumé aux manifestations du printemps 2010.