Le régime birman a demandé à l'opposante Aung San Suu Kyi, dont le parti a été dissous l'an passé, de cesser ses activités politiques, l'avertissant aussi du risque qu'elle prendrait à effectuer le voyage en province annoncé il y a quelques semaines.

Le ministre des Affaires intérieures a écrit à la Ligue nationale pour la Démocratie (LND, dissoute) de Mme Suu Kyi, lui indiquant qu'elle violait la loi en conservant ouvert le siège du parti et en émettant des communiqués, selon le quotidien New Light of Myanmar, considéré comme porte-parole du régime.

«S'ils veulent vraiment accepter et pratiquer la démocratie efficacement, ils doivent cesser de tels actes qui peuvent porter atteinte à la paix, à la stabilité et à l'État de droit ainsi qu'à l'unité du peuple», a-t-il expliqué en suggérant que la Ligue se transforme en «organisation sociale».

Le quotidien a par ailleurs tenté de dissuader la «Dame» de Rangoun d'effectuer une tournée. «Nous craignons énormément que si Mme Aung San Suu Kyi effectue des voyages dans les régions du pays, cela entraîne le chaos et des émeutes, comme de précédents événements l'ont prouvé».

Une allusion directe à 2003, lorsque Mme Suu Kyi et son équipe avaient été agressées dans une embuscade semble-t-il orchestrée par la junte, qui avait fait une centaine de morts selon la LND, quatre selon la junte. L'agression avait conduit à son placement en résidence surveillée.

Mais la lauréate du prix Nobel de la paix a suggéré mercredi qu'elle ne baisserait pas les bras. «Le peuple, c'est la politique», a-t-elle déclaré aux jeunes de la LND. «Voyager parmi les gens, ce n'est pas pour s'amuser mais pour rester en contact avec eux».

Interrogée par l'AFP sur les dates de son voyage, elle n'a pas répondu clairement. «J'irai, mais pas maintenant», a-t-elle dit, en évoquant la saison des pluies. «Nous devons attendre de bonnes conditions météo».

La LND avait été dissoute en 2010 après avoir décidé de boycotter les législatives de novembre, les premières depuis vingt ans. Ses cadres jugeaient que les lois électorales avaient été conçues pour en écarter l'opposante, qui n'a été libérée de résidence surveillée qu'après le scrutin.

Les élections, considérées comme une mascarade en Occident, ont depuis permis à la junte de convoquer un parlement. Avant de s'auto-dissoudre et de passer la main à un régime dit «civil» mais contrôlé par les militaires.

Le généralissime Than Shwe, qui a exercé un pouvoir absolu sur le pays depuis 1992, a pris sa retraite. Mais le nouveau président n'est autre que le Premier ministre sortant et ex-général Thein Sein.

Lors de son dernier voyage en 2003, la junte était effrayée par l'immense popularité d'une opposante qui avait remporté haut-la-main les élections de 1990, sans jamais être autorisée à exercer le pouvoir.

Depuis, la lauréate du prix Nobel de la paix, 66 ans, s'est isolée du processus politique en n'étant pas représentée au parlement. Mais elle reste surveillée de près.

«Les autorités sont très certainement gênées à l'idée de voir Suu Kyi tester à nouveau sa popularité en province, surtout si elle choisit de se rendre dans des fiefs de la LND comme Mandalay (centre) pour raviver ses troupes», a estimé Renaud Egreteau, spécialiste de la Birmanie à l'université de Hong Kong.

La «Dame» de Rangoun, soucieuse de conserver son aura sur le plan international, multiplie les interventions publiques.

Mardi, elle a estimé dans un message sur la radio britannique BBC que son peuple «enviait» les «transitions rapides» de Tunisie et d'Egypte. Il y a une semaine, elle avait aussi demandé le soutien du congrès américain à la création d'une commission d'enquête de l'ONU sur les droits de l'homme en Birmanie.

«Ce n'est pas tant ses prises de position qui inquiètent le pouvoir», a pourtant relevé Renaud Egreteau, que «sa capacité à mobiliser la population birmane, surtout en dehors des cercles urbains de Rangoun».