Condamné pour meurtre à une longue peine de prison alors qu'il était adolescent, Babul Miah a accepté de devenir bourreau, pour sortir plus tôt: dans les prisons surpeuplées du Bangladesh, ce sont les détenus qui exécutent les mises à mort.

L'Inde voisine a du mal à trouver un bourreau pour son premier condamné à mort depuis 2004. Le Bangladesh, lui, a toujours fait appel à ses détenus. Ils sont actuellement quinze à avoir été formés à cette tâche.

«J'ignore pourquoi les gardiens m'ont sélectionné», déclare à l'AFP Babul Miah, condamné à l'âge de 17 ans à 31 ans de prison pour un meurtre dont il se dit innocent.

«Le chef de la prison m'a promis de diminuer ma peine de deux mois pour chaque exécution. Il m'a dit que c'était facile à faire et donc j'ai accepté», se souvient-il.

Depuis l'indépendance avec le Pakistan en 1971, quelque 470 prisonniers ont été exécutés. Actuellement, un millier d'autres attendent la mort.

Le Bangladesh est l'un des rares pays, avec Singapour, le Japon et l'Iran, à utiliser la pendaison.

«Vous ne pouvez pas faire ce travail si vous montrez vos émotions ou si vous êtes fragile. Et vous n'avez pas droit à l'erreur, les gardiens seraient très en colère», raconte Miah, aujourd'hui âgé de 40 ans et libéré en 2010.

Il est devenu bourreau après 14 ans de détention. Il a appris à préparer la potence, nouer la corde de manière appropriée, et, le plus important, ne jamais regarder un condamné dans les yeux.

Selon la coutume dans les prisons du Bangladesh, les exécutions sont conduites une minute après minuit. Le condamné et sa famille sont prévenus un ou deux jours avant.

La longueur de la corde doit être soigneusement calculée, en fonction de la taille et du poids du condamné, sous peine de le voir mourir décapité par la corde, comme ça a été le cas pour le chef d'un groupe rebelle terroriste qui était très grand et corpulent.

En janvier 2010, Babul Miah a exécuté cinq anciens officiers de l'armée, condamnés pour leur rôle dans l'assassinat de Sheikh Mujibar Rahman, le premier dirigeant du pays et père de l'actuelle Premier ministre, Sheikh Hasina.

Ces pendaisons, applaudies par les partisans du parti de Sheikh Hasina, ont fait connaître Babul Miah dans tout le pays.

«J'étais fier d'avoir exécuté les assassins de Mujibar. Je n'ai éprouvé aucun regret pour ces hommes qui avaient tué une bonne partie des membres de la famille du père de la nation», dit-il, dans sa maison du nord du Bangladesh.

L'histoire de Babul Miah a incité une télévision régionale à produire un documentaire en trois parties autour de lui.

«Je voulais qu'on y parle de ce qui se passe vraiment entre les murs: la surpopulation, les immenses difficultés des prisonniers les plus pauvres, la drogue, l'homosexualité», des sujets «dont personne ne parle», souligne-t-il.

Mais le chef des prisons du pays a décrété que ce programme télévisé donnait «une mauvaise impression» des pénitenciers et la diffusion du film a été vite suspendue.

Les groupes de défense des droits de l'Homme critiquent sévèrement et depuis longtemps le système pénitentiaire bangladeshi.

Ses 67 prisons ont une capacité d'accueil de 27 000 personnes, mais elles détiennent en fait 80 000 prisonniers.

«Si un prisonnier a de l'argent, il peut introduire des téléphones portables, de la nourriture, de l'alcool et des drogues, sans être puni», raconte Miah. «Mais s'il est pauvre, chaque jour sera un enfer».

En tant que bourreau, il bénéficiait de meilleures conditions de vie que celles de ses compagnons d'infortune.

Libéré en 2010 dans le cadre d'une amnistie à l'égard d'un millier de prisonniers, Bubal est retourné dans son village natal, a repris la petite exploitation agricole, s'est marié avec une jeune femme du coin et sera bientôt père.

Dans cette région reculée, personne ne connaît son passé de bourreau.