Le Pakistan a évoqué de «fortes présomptions»sur le fait qu'Ilyas Kashmiri, l'un des chefs militaires les plus actifs et les plus redoutés d'Al-Qaïda, a été tué vendredi soir par les missiles d'un drone américain dans le Nord-Ouest, mais sans pouvoir le confirmer officiellement.

Si la mort de ce Pakistanais, impliqué dans de nombreux attentats au Pakistan et soupçonné d'être le cerveau d'attentats et de tentative d'attentats en Inde et dans des pays occidentaux, est confirmée, il s'agirait du principal revers infligé à l'Al-Qaïda depuis qu'un commando américain a tué Oussama Ben Laden le 2 mai, dans le nord du Pakistan.

Mohammad Ilyas Kashmiri, dont la tête était mise à prix par les États-Unis pour cinq millions de dollars, est ou était âgé de 47 ans et originaire du Cachemire, la région du sous-continent revendiquée par le Pakistan et l'Inde.

Vendredi soir, l'une des innombrables salves de missiles que tirent régulièrement les drones de la CIA dans les zones tribales du Nord-Ouest a tué au moins neuf membres de son groupe dans le district du Waziristan du Sud, bastion des talibans alliés à Al-Qaïda, selon de hauts responsables militaires pakistanais.

«Il y a de fortes présomptions selon lesquelles Kashmiri a été tué dans la frappe, mais il est impossible pour quiconque de le confirmer officiellement car nous ne pouvons pas accéder aux corps, et les villageois eux-mêmes assurent que ceux-ci sont méconnaissables», a déclaré à l'AFP un très haut responsable militaire pakistanais, sous couvert d'anonymat.

Plusieurs sources militaires et de l'administration locale avaient indiqué auparavant que Kashmiri avait été «vu dans la zone» ces deniers jours.

«Nous tentons toujours de confirmer» sa mort mais cela peut prendre du temps, a ajouté le responsable militaire.

Plusieurs de ses pairs ont expliqué à l'AFP que, sauf si la famille ou le groupe de Kashmiri l'annonçait officiellement, ou bien en recoupant des informations glanées par les services de renseignements, il serait difficile de confirmer officiellement sa mort.

Les experts occidentaux de la lutte antiterroriste dans la région sont unanimes pour dire que Kashmiri, chef du groupe armé pakistanais interdit Harakat-ul-Jihad al-Islam (HuJI), est l'un des principaux commandants opérationnel d'Al-Qaïda, chargé notamment de la coordination des attaques au Pakistan et à l'étranger.

Les zones tribales pakistanaises, frontalières de l'Afghanistan, constituent le principal sanctuaire d'Al-Qaïda dans le monde. Elles sont le bastion des talibans pakistanais qui ont fait allégeance à Ben Laden en 2007 et décrété le jihad à Islamabad pour son soutien à la «guerre contre le terrorisme» lancée par les États-Unis fin 2001. Ils ont juré de venger Ben Laden.

Ces insurgés, dont Kashmiri est considéré comme proche, sont les principaux responsables d'une vague d'environ 480 attentats --suicide pour la plupart-- qui ont fait plus de 4400 morts dans tout le pays en près de quatre ans.

Le porte-parole des talibans a démenti samedi la mort de Kashmiri. «Il est vivant et en lieu sûr, seuls des camarades locaux ont été tués dans l'attaque de drone», a déclaré à l'AFP Ehsan Ehsanullah dans un entretien téléphonique avec l'AFP.

Sur le site internet «Rewards for Justice» du département d'État américain, qui offre «jusqu'à 5 millions de dollars» pour la localisation de Kashmiri, l'homme qui a perdu un oeil et un index, a été localisé pour la dernière fois dans le Waziristan du Nord, non loin de la frappe de drone de vendredi.

Il est «affilié à des organisations terroristes depuis plus de 20 ans» et est accusé par un tribunal américain de «complot terroriste» en relation avec un attentat au Danemark. Son nom figure également dans une liste de 50 personnes au Pakistan accusées par l'Inde d'avoir participé à l'organisation des attaques de Bombay, qui ont fait 166 morts fin novembre 2008.

Enfin, les officiers des renseignements occidentaux le considèrent comme l'un des principaux --sinon le principal-- chefs militaires d'Al-Qaïda, et comme le planificateur présumé de la menace terroriste mise au jour en octobre 2010 en Europe (notamment en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne) et aux États-Unis.