Il est devenu l'ennemi public no 1 sur l'internet chinois. Il est le père de la «Grande Muraille informatique», principal outil de censure du gouvernement sur le web. Son visage est repris sur des poupées vaudous ou des parodies de jeux vidéo. On lui lance des oeufs et des chaussures lorsqu'il est invité à donner un discours. Mais Fang Binxing n'en démord pas et encaisse ces critiques comme un «sacrifice» pour son pays. Portrait.

NOM

Fang Binxing

TITRE

Président de l'Université des postes et télécommunications de Pékin.

BIO

Depuis 1998, il est chargé par le gouvernement d'assurer la sécurité de l'internet en Chine. En 2003, il est devenu le «père de la Grande Muraille informatique» de Chine, celle que doivent escalader chaque jour les internautes téméraires pour accéder à des sites censurés par le régime. «Il est le symbole de la censure de l'internet en Chine», résume le blogueur Zhou Shuguang, alias Zola, dans un échange de courriels avec La Presse. «Pour plusieurs netizens chinois (contraction de net et de citizen, les citoyens de l'internet), la censure est l'ennemi de la liberté d'expression.»

MISSION

Empêcher les internautes d'accéder à des sites étrangers ou nationaux aux contenus politiquement délicats. Ainsi, tout ce qui concerne le Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, le mouvement spirituel Falun Gong ou l'emprisonnement d'Ai Weiwei reste inaccessible. Mais la Muraille n'est pas étanche... «Contourner le mur est très facile, dit Zola. Plusieurs personnes ont un VPN (compte personnel virtuel), un service payant, ou utilisent des outils gratuits pour éviter le mur.» D'ailleurs, même Fang Binxing dit posséder au moins six types de VPN «pour déterminer ce qui peut et ne peut pas être accessible en Chine», a-t-il déclaré en février au journal Global Times, propriété d'État. Dernièrement, il a affirmé que ce n'est pas la censure qui est responsable des difficultés croissantes d'accès à l'internet, mais les fournisseurs d'accès. «Les fournisseurs ont des frais quand leurs usagers vont sur des sites à l'extérieur du pays. Cela les pousse à décourager les usagers de visiter des sites étrangers.»

COTE DE POPULARITÉ

Plutôt faible, évidemment. En décembre dernier, quand Fang Binxing a voulu ouvrir un compte sur Sina Weibo (l'équivalent chinois de Twitter), la colère des internautes l'a obligé à le fermer quelques heures après. Le 19 mai, à l'Université Wuhan, quatre étudiants l'ont attaqué avec des oeufs et... des chaussures, comme l'avait fait le journaliste Mountazer al-Zaïdi contre le président George W. Bush à Bagdad en 2009. À l'instar du journaliste irakien, l'un des étudiants qui a lancé les chaussures, connu sous le pseudonyme de @hanunyi, est devenu un héros du web chinois.

PRODUITS DÉRIVÉS

Sur son site, un blogueur pékinois, Hong Bo, affiche une poupée vaudou avec la tête de Fang Bixing. D'autres internautes ont parodié le jeu populaire Angry Birds en créant Angry Shoes (Chaussures fâchées), où des chaussures ont remplacé les oiseaux comme projectiles lancés contre des têtes de Fang Binxing...