Ai Weiwei, infatigable critique du gouvernement chinois, a de nouveau disparu de la circulation et la police s'est refusée lundi à fournir des explications sur son arrestation, sur fond de vague de répression s'abattant sur la dissidence en Chine.

Cet artiste de 53 ans, connu à l'étranger et qui a récemment qualifié d'« inhumain » le régime chinois, a été arrêté dimanche à l'aéroport international de Pékin au moment où il s'apprêtait à prendre un avion, a confirmé à l'AFP son épouse, Lu Qing.

Selon ses assistants, il voulait se rendre à Hong Kong et la police a perquisitionné à son atelier du nord-est de Pékin.

« La police est venue à la maison avec un mandat de perquisition et a fouillé partout », a ajouté son épouse, au téléphone. « Elle a emporté l'ordinateur, et d'autres équipements. Elle a refusé de donner la raison du mandat de perquisition ou de l'arrestation d'Ai Weiwei ».

Plusieurs de ses assistants ont été interrogés dimanche, puis relâchés, a précisé Lu Qing, ajoutant qu'elle-même n'avait pas été assignée à résidence.

Contactée par l'AFP, la police de Pékin a refusé de s'exprimer sur Ai Weiwei.

L'arrestation de cet artiste d'avant-garde à la stature imposante et à la barbe fournie intervient quelques jours après qu'il a annoncé à l'AFP son intention d'ouvrir un studio en Allemagne pour y exposer son oeuvre, se disant exaspéré par les entraves subies en Chine.

« Ce qui se passe ici est très décourageant et je veux continuer à travailler, je dois trouver une base », avait dit Ai Weiwei, connu pour ses expositions monumentales, comme celle en cours à la Tate Modern, à Londres : un tapis de 100 millions de graines de tournesol en porcelaine.

Après avoir participé à la conception du célèbre « nid d'oiseau » pour les jeux Olympiques de Pékin en 2008, ce fils de poète a accumulé les problèmes ces dernières années avec le régime communiste.

À la mi-février, il avait annoncé l'annulation de sa première grande exposition solo prévue en Chine en mars, les organisateurs lui ayant expliqué qu'ils souhaitaient la reprogrammer.

En janvier, son atelier dans la banlieue de Shanghai avait été démoli. Ai Weiwei avait été brièvement placé en résidence surveillée trois mois avant pour avoir voulu « célébrer » avec ses fans l'annonce de cette destruction.

En décembre, il avait été empêché d'aller à Oslo assister à la remise symbolique du prix Nobel de la paix au dissident chinois emprisonné Liu Xiaobo.

L'artiste a défendu de nombreuses causes humanitaires et a réalisé une vaste enquête sur les effondrements de bâtiments scolaires au cours du séisme dans la province du Sichuan (sud-ouest) en 2008, imputables à la corruption des cadres locaux.

Il avait affirmé avoir été frappé par la police en 2009 et avoir dû subir une opération au cerveau en Allemagne.

Cela ne l'a pas dissuadé de narrer, sur son blog souvent censuré, ses mésaventures avec les « gardes-chiourme » du régime.

Son arrestation intervient dans un contexte particulièrement difficile pour les opposants chinois, dont des dizaines ont été arrêtés, assignés à résidence ou éloignés de chez eux ces dernières semaines, Pékin craignant une contagion des révoltes du monde arabe, selon les organisations de défense des droits de l'Homme.

L'arrestation d'Ai Weiwei a été accueillie avec inquiétude par ces organisations.

« Le gouvernement chinois intensifie sa politique de harcèlement contre les dernières figures emblématiques de la dissidence et cherche à faire taire toutes les voix critiques », a écrit Reporters sans frontières.

« Nous appelons la communauté internationale à réagir avec fermeté aux arrestations de blogueurs et cyberdissidents qui se succèdent à un rythme jamais vu en Chine ».

Lundi, le compte Twitter d'Ai Weiwei était muet. Les grands sites internet chinois ont été expurgés de la nouvelle de son arrestation.