Année après année, la pornographie infantile bat des records au Japon, où la loi continue d'autoriser la possession à titre individuel de vidéos et de photos obscènes mettant en scène des enfants, un laxisme condamné par l'ensemble de la communauté internationale.    

Des statistiques publiées jeudi par la Police nationale nippone révèlent une hausse de près de 45% du nombre d'affaires criminelles impliquant des mineurs l'an dernier, par rapport à 2009 qui avait déjà été une année record.

En 2010, 1 342 cas de production et de trafic de matériel pornographique montrant des victimes âgées de moins de 18 ans ont été mis au jour par les policiers. Le nombre d'enfants ou d'adolescents impliqués a lui aussi fait un bond de 52,6%, avec 618 jeunes identifiés.

Les États-Unis et d'autres pays développés accusent les autorités japonaises de laxisme et considèrent le Japon comme un producteur majeur de pornographie infantile dans le monde.

Le Japon et la Russie sont en effet les deux seuls membres du groupe des pays industrialisés du G8 à tolérer la possession à titre individuel de ce genre de documents, alors qu'elle est condamnée dans plus de 70 États.

La loi japonaise actuelle, qui date de 1999, interdit seulement la production et la vente de photos, vidéos et autres matériels pornographiques où figurent des enfants, ainsi que leur possession à des fins commerciales ou de distribution.

Junko Miyamoto de l'association ECPAT/STOP Japan, qui milite contre la prostitution et la pornographie infantile et le trafic d'enfants à des fins sexuelles, estime que «la situation empire» d'année en année.

«Comme la consommation n'est pas interdite, la demande est toujours en progression. Et le contenu des documents est de plus en plus cruel», a-t-elle déclaré à l'AFP.

La peine maximale encourue pour les producteurs ou trafiquants de pornographie infantile est actuellement de cinq ans d'emprisonnement et une amende de cinq millions de yens (environ 6 millions $).

«Si nous avions une meilleure législation, nous pourrions attraper davantage de criminels», a estimé Mme Miyamoto, qui reproche au gouvernement de centre gauche nippon de ne pas être «très enthousiaste pour changer la loi bien qu'il ait inscrit «Les enfants d'abord» dans son programme électoral».

Les mangas et autres dessins animés échappent à la loi japonaise sur la pornographie infantile.

Mais la municipalité de Tokyo a voté fin 2010 une réglementation limitant aux plus de 18 ans les mangas et animations où sont représentées des scènes d'inceste, de viol ou des actes sexuels avec des enfants.

Plusieurs maisons d'édition nippones et d'illustres mangakas (dessinateurs de mangas) ont protesté contre cette censure et décidé de boycotter le salon annuel Tokyo Anime Fair.

Keiji Goto, avocat qui dirige le Forum contre la pornographie infantile, s'indigne de voir des dessinateurs réputés tenir ce genre de discours.

«Au Japon, il est répandu de considérer les enfants comme des objets sexuels, a-t-il dit. L'opposition à la décision de Tokyo reflète cette tendance. Les gens n'éprouvent pas de culpabilité à cet égard.»

«Ces opposants revendiquent la liberté d'expression pour des oeuvres horribles où l'on montre des enfants torturés et abusés sexuellement. Ce genre d'argument est totalement inacceptable», a-t-il ajouté.

M. Goto a relevé que selon les sondages, environ 90% des Japonais sont favorables à l'interdiction de la possession de pornographie infantile et à un contrôle plus strict des mangas.

«Le problème, c'est que cela ne se traduit pas dans les décisions politiques», a-t-il déploré.