Un vieil homme ronfle sur un matelas, son fauteuil roulant replié près de lui, deux enfants sourient devant Toy's Story, de nouveaux sinistrés hagards continuent d'arriver: ils sont plus de 500 privés de toit par les inondations et hébergés dans ce centre d'évacuation de Brisbane.

«J'ai fait venir ma femme Hinda et mon fils Kasiim de Bagdad il y a trois mois, et aujourd'hui, regardez ce qui nous arrive, j'ai tout perdu», se lamente Issam, un Irakien de 36 ans qui poursuit des études d'agronomie en Australie.

Le premier ministre du Queensland Anna Bligh a prévenu que beaucoup des personnes évacuées risquaient de ne jamais réintégrer leur habitation.

«Je crois que nous devons nous préparer à cela. Lorsque les gens vont rentrer chez eux, certains vont découvrir que leur maison n'est plus habitable», a-t-elle déclaré.

À peine arrivée dans le centre, la petite famille d'Issam qui a fait tenir dans deux sacs de plastique tout ce qu'elle a pu sauver des eaux, est prise en charge par la Croix Rouge. Un bracelet fluo au poignet, pour montrer qu'ils sont dûment inscrits, ils auront droit à des matelas pour la nuit, des vêtements et un dîner.

Dans l'immense salle éclairée par des néons, que les portes grandes ouvertes ont du mal à aérer, les relents de sueur se mêlent aux effluves de nouilles chinoises instantanées servies par l'Armée du Salut.

Il fait chaud en ce mercredi soir à Brisbane, pas loin de 30°C, «et les gens ont aussi besoin de prendre une douche, de prendre soin d'eux, surtout des enfants», explique Kate Brady, bénévole de la Croix-Rouge et responsable du centre d'évacuation RNA Showground, sur la Gregory Terrace, tout près du centre ville.

Près de 4000 sinistrés, dont certains ont tout perdu, sont ainsi accueillis dans plusieurs centres d'évacuation de la troisième ville du pays où plus de 30 000 maisons ont été endommagées par les pires inondations depuis près de quarante ans dans l'État du Queensland.

«Nous avons une capacité d'accueil de 3000 personnes, j'espère que nous n'irons pas jusque là», ajoute Kate Brady.

Entre les lits de camp alignés et les monceaux de vêtements proposés aux sinistrés, un petit espace est réservé aux jeunes enfants. Une maman berce son bébé dans ses bras, une petite blondinette raconte une histoire à sa poupée. Plus loin, l'Armée du Salut offre «du lait maternisé et des repas pour bébés», explique d'un grand sourire Michael Choi, bénévole australien originaire de Hong Kong et député au parlement du Queensland.

«Ce sera ma deuxième nuit ici, on a dû quitter précipitamment notre immeuble du centre ville qui n'est pas inondé mais où il n'y a plus eau ni électricité», explique Kirsten McCanley, étudiante en droit. «C'est dur, mais au moins cela nous a permis de nous connaître», ajoute-t-elle, et ses voisins de table d'acquiescer.

Il y a aussi, comme perdus dans ce qui ressemble à un immense hall de gare, Nithin Narayanan, un Indien de 26 ans, seul, sans famille, qui «habite à St-Lucia, un quartier près du fleuve» et a dû partir «très vite». Et puis aussi Michael, 68 ans, qui vit à la rue depuis des années et avait «déjà connu les inondations de 1974».

Pour Tom, autre bénévole, «on pouvait s'attendre à une telle catastrophe». Après les très graves inondations de 1974, «les promoteurs immobiliers ont assuré que reconstruire dans des zones inondées n'était plus dangereux, grâce aux barrages construits».

«Mais on dirait que les gens ont construit là où ils n'auraient pas dû, trop près du fleuve. Car même si l'on bâtit sur pilotis ou que l'on surélève, on ne pourra rien contre la nature, il faut lui laisser parfois la place qui lui revient», conclut-il.