Les stocks de sang ont chuté ces derniers mois en Chine, poussant des hôpitaux à surseoir à de nombreuses opérations chirurgicales et les autorités à lancer une campagne d'appels aux dons, mais l'arrivée du froid a encore aggravé la pénurie.

Assis dans une pièce vide d'un centre de la Croix-Rouge à Pékin, Zhao Libao attend qu'on s'occupe de lui. Il est l'un des rares habitants de la capitale chinoise à avoir répondu à l'invitation du gouvernement à se retrousser les manches et donner son sang.

Ce geste anodin et bénévole ne va pas de soi en Chine et la chute des températures a encore davantage démotivé les rares candidats.

Face aux carences en sang, également expliquées par une hausse des demandes des services de chirurgie, les hôpitaux ont même été obligés récemment de reporter sine die au moins 50% de leurs opérations non urgentes.

On trouve seulement 84 donneurs pour 10 000 habitants en Chine, contre 454 en moyenne dans les pays développés, selon le ministère chinois de la Santé.

«Les gens sont très égoïstes, ils considèrent que leur sang est un bien très précieux et qu'ils n'ont pas besoin d'aider les autres», confie à l'AFP M. Zhao, âgé de 36 ans.

«Ils se disent: s'il n'y a aucun profit à en tirer, alors je ne donne pas», poursuit-il.

Afin d'encourager les dons, le ministre de la Santé Chen Zhu a lui-même accompli ce geste civique, posant, une seringue dans la veine, face aux médias. Des centaines d'autres responsables gouvernementaux ont fait de même.

La presse d'État a rejoint le mouvement, publiant des reportages sur des braves citoyens prêts à braver le froid pour alimenter les banques du sang.

Liu Jiang, directeur du centre de la Croix-Rouge où se trouve Zhao Libao, assure que la pénurie a été résolue - au moins dans la capitale - mais que les appels aux dons se poursuivront.

«Je ne me risquerais pas à affirmer qu'il n'y aura pas de pénurie dans l'avenir car la collecte de sang peut être facilement affectée par les facteurs saisonniers», explique-t-il à l'AFP, et en hiver «le volume de sang collecté baisse sérieusement».

Pékin ne compte que 27 stations itinérantes de collecte du sang pour ses 19 millions d'habitants. Selon la loi, chacun peut faire don d'un volume maximum de 400 ml de sang tous les six mois.

Plus de la moitié des donneurs du pays sont des travailleurs migrants ou des étudiants, selon l'agence Chine nouvelle.

Certains Chinois ont récemment donné leur sang pour permettre à un de leurs proches hospitalisé d'être opéré, a rapporté le journal Global Times.

Si ce patient avait besoin de davantage que 400 ml de sang, sa famille était parfois dans l'obligation de mettre des amis à contribution ou de payer des «agents de sang» qui se chargeaient de trouver des donneurs.

Lors de la récente pénurie, le prix au noir pour 400 ml de sang a plus que doublé, atteignant 3000 yuans (450$), a affirmé la presse.

En Chine, les mémoires restent par ailleurs hantées par un scandale retentissant qui avait touché des milliers de pauvres, infectés par le virus du sida en vendant leur sang dans les années 1990, notamment dans la province centrale du Henan.

Ces paysans avaient été incités à vendre leur sang à des stations de collecte itinérantes, au mépris des règles d'hygiène. Leur sang avait ensuite été mélangé à celui d'autres donneurs, puis leur avait été réinjecté après prélèvement du plasma.

De 30 000 à 50 000 personnes pourraient avoir été ainsi contaminées par le virus HIV, a reconnu en 1991 le gouvernement. Le nombre de victimes approche plutôt 100 000 personnes, parmi lesquelles au moins 10 000 sont mortes, selon Chen Bingzhong, un ancien haut responsable sanitaire chinois.