Le Premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani a commencé lundi à négocier avec l'opposition le maintien de son gouvernement, désormais minoritaire au parlement au lendemain de la défection d'un important parti de la coalition au pouvoir.

Aucun des partis d'opposition ne semblait pour l'heure prêt à faire chuter le gouvernement, et risquer de déstabiliser un peu plus un pays déjà fragile économiquement et socialement. Le gouvernement peut de son côté se maintenir tant que l'opposition n'a pas déposé de motion de censure au parlement.

Le parti Muttahida Qaumi Movement (MQM), deuxième composante de la coalition gouvernementale, a annoncé dimanche qu'il passait dans les rangs de l'opposition en critiquant l'inaction du gouvernement de M. Gilani, déjà largement impopulaire, face aux problèmes de la population.

Le départ du MQM a fait perdre au gouvernement, au pouvoir depuis moins de trois ans, sa majorité au Parlement, le Parti du peuple pakistanais (PPP) du président Asif Ali Zardari et de M. Gilani et leurs alliés n'y disposant plus que d'environ 160 sièges sur 342.

M. Gilani, qui a assuré dimanche que son gouvernement ne tomberait pas, cherche à éviter le dépôt d'une motion de censure par les partis d'opposition.

Il s'est rendu lundi à Lahore, où il a rencontré Chaudhry Shujaat Hussain, chef de la Ligue musulmane Qaid-e-Azam (PML-Q), un parti d'opposition qui dispose de 50 députés, a constaté sur place un journaliste de l'AFP.

Les leaders du PML-Q «consulteront leur parti demain», a déclaré après la rencontre M. Gilani, visiblement optimiste, en disant s'être mis d'accord avec le PML-Q sur le fait qu'«aucune décision qui risque de faire dérailler la démocratie ne sera prise».

«Nous ne voulons pas faire du chantage au gouvernement. Nous avons parlé des sujets comme la réforme fiscale, l'inflation, le chômage et la loi contre le blasphème», a de son côté indiqué Chaudhry Shujaat Hussain.

«Nous soutiendrons quiconque, y compris le gouvernement actuel, décidera de surseoir à l'augmentation des prix du carburant et d'aider la population», a de son côté déclaré un ministre régional du MQM dans le Sind, Saghir Ahmed.

Le gouvernement espère par ailleurs faire revenir le MQM sur sa décision de quitter la coalition, a indiqué le porte-parole du PPP, Farhatullah Babar.

Aucun gouvernement civil au Pakistan, où l'armée est réputée détenir le vrai pouvoir, n'a jamais réussi à se maintenir durant toute une législature.

La balle est dans le camp des partis d'opposition, l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif en tête, peu actifs ces dernières années, sachant qu'une chute du gouvernement risque de déstabiliser un peu plus un pays déjà fragilisé par la rébellion islamiste, l'inflation galopante et les inondations de l'été dernier, et sous la pression du Fonds monétaire international (FMI).

«Si personne ne présente une motion de censure, il n'y a pas besoin de convoquer des élections anticipées, et la situation actuelle va se poursuivre», estime l'analyste politique Shafqat Mahmood.

Même s'il échappait à une motion de censure, le gouvernement pourrait toutefois peiner à faire passer des lois au parlement ces prochains mois, et notamment son projet de budget en juin prochain, ce qui pourrait finir, en cas d'échec, par entraîner de nouvelles élections, a-t-il ajouté.