Au moins 40 personnes ont été tuées lundi par les bombes de deux kamikazes visant les chefs d'une milice qui combat les talibans dans le nord-ouest du Pakistan, pays en proie à une vague d'attentats perpétrés par les insurgés islamistes alliés à Al-Qaïda.

L'attaque, revendiquée aussitôt par les talibans, visait les bureaux de l'administration locale où se tenait une réunion entre des fonctionnaires et les chefs d'une milice tribale opposée aux rebelles extrémistes à Ghalanaï, le chef-lieu du district tribal de Mohmand.

«Il y a au moins 40 morts et 60 blessés, dont 25 dans un état grave», a indiqué à l'AFP Amjad Ali, un responsable des autorités locales. Dix des tués sont des fonctionnaires du gouvernement et deux autres des journalistes de télévision.

Les kamikazes, qui portaient des uniformes de la police locale, sont arrivés à bicyclette et ont forcé le passage à pied dans le bâtiment de l'administration.

«Le premier a fait exploser sa bombe à l'entrée, l'autre dans un bureau», a assuré M. Ali.

Une centaine de personnes se trouvaient dans le bâtiment.

«Une réunion entre l'administration du district et des chef tribaux, membres d'un Comité de paix, se tenait dans les bureaux», a-t-il ajouté.

Les Comités de paix désignent généralement des milices antitalibans dans les zones tribales du nord-ouest, frontalières avec l'Afghanistan, et considérées comme le QG et le principal repaire d'Al-Qaïda.

Un cratère de 30 cm de profondeur était visible dans le jardin et deux pièces du bâtiment se sont effondrées, a constaté un journaliste de l'AFP. Des lambeaux de chair jonchaient le sol plusieurs heures après l'attaque.

Le district de Mohmand, à environ 175 km au nord-ouest d'Islamabad, est l'une des places fortes du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), qui a fait allégeance au réseau d'Oussama ben Laden, et est le principal responsable de plus de 420 attentats -- suicide pour la plupart -- qui ont fait près de 4000 morts dans tout le pays ces trois dernières années.

«Nous revendiquons l'attentat», a déclaré à l'AFP par téléphone Omar Khalid, le chef du TTP pour le Mohmand. «Nos deux kamikazes ont visé ceux qui oeuvrent contre les talibans, c'est ainsi que nous traiterons tous ceux qui montent des milices ou des Comités de paix contre nous».

Le 9 juillet dernier déjà, au moins 105 personnes avaient péri dans un attentat suicide à la voiture piégée dans le Mohmand, une attaque revendiquée par les talibans qui avaient assuré viser des chefs tribaux alliés au gouvernement central.

Le TTP avait décrété à l'été 2007 le jihad, la guerre sainte, à Islamabad pour son soutien, depuis fin 2001, à la «guerre contre le terrorisme» de Washington.

Depuis, le Pakistan en a payé un lourd tribut avec près de 4000 morts dans des attentats.

Avec le soutien logistique du TTP, qui dispose dans les zones tribales de centre d'entraînement, Al-Qaïda forme ses propres kamikazes qui se destinent, eux, à des attentats en Europe et aux États-Unis, selon les services de renseignements américains et européens.

Les zones tribales sont également une base-arrière importante des talibans afghans, qui combattent dans leur pays les quelque 150 000 soldats des forces internationales sous la bannière de l'Otan, américains pour plus des deux tiers.

Par ailleurs, les drones de la CIA tirent quasi-quotidiennement, dans ces zones pakistanaises frontalières, des salves de missiles visant les cadres d'Al-Qaïda comme les talibans afghans et pakistanais.

Les premiers tirs de missiles datent de 2004, mais la campagne s'est considérablement intensifiée depuis l'été 2008, avec plus de 160 salves qui ont tué près de 1300 personnes dans les zones tribales. Des insurgés islamistes, dont d'importants cadres d'Al-Qaïda, selon les militaires pakistanais, mais aussi des civils, selon les autorités locales.