Daniel Pinkston devait normalement rentrer hier soir d'Honolulu à Séoul avec sa famille. Mais le chef du bureau de Séoul du groupe de réflexion européen International Crisis Group a décidé hier après-midi de retarder son vol.

«Je vais attendre quelques jours pour voir s'il y a une escalade», explique M. Pinkston en entrevue téléphonique. «Tout peut arriver. C'est la première fois depuis les années 80 que le Nord attaque une région du Sud où il y a des civils. La réaction mesurée du Sud pourrait encourager le Nord à augmenter la mise, à envoyer quelques obus sur une ville.»

Le défi du président sud-coréen Lee Myung-bak est de faire comprendre aux dirigeants nord-coréens qu'il y a des limites à ne pas franchir tout en ne provoquant pas d'escalade, selon Marcus Noland, économiste de l'institut Peterson à Washington, qui suit l'«État-hermite» depuis plus d'une décennie. «Envoyer des obus dans une île militaire avec une faible population civile est une chose, une attaque chimique ou conventionnelle contre Pusan ou même Séoul en est une autre. Mais pour le Nord, il n'est pas certain que la distinction soit évidente. C'est le supplice de la goutte d'eau: chaque petite escalade du Nord est plus ou moins acceptée par le Sud, mais il viendra un moment où ça sera inacceptable.»

L'attaque était planifiée d'avance, ce qui signifie qu'elle répond à des exigences politiques bien précises, selon Peter Hayes, directeur de l'institut californien Nautilus, qui organise régulièrement des conférences sur la sécurité dans les pays bordant le Pacifique Nord. «La raison la plus évidente est que la Corée du Nord veut donner des victoires militaires à l'héritier Kim Jong-un. Mais on peut aussi penser que c'est une tactique de négociation liée au dévoilement de la construction d'un second réacteur nucléaire sur le site de Yongbyong, la semaine dernière. Ou alors, que c'est une réaction de défense face aux exercices navals américano-sud-coréens des deux dernières années, qui sont plus importants que d'habitude. Même la Chine proteste contre ces exercices navals.»

Que peuvent faire les États-Unis et la Corée du Sud? «Chaque agression nord-coréenne rend plus probable un acquiescement chinois d'un resserrement des sanctions, dit M. Noland. Si les États-Unis pouvaient intercepter en haute mer les navires en direction de la Corée du Nord, elles seraient beaucoup plus efficaces. Je pense aussi qu'à un certain point, les efforts de déstabilisation de la Corée du Nord, avec la propagande, la distribution d'argent et de moyens de communication, seront envisagés.»

De son côté, Peter Hayes de Nautilus pense que la Chine fera probablement pression sur la Corée du Nord, notamment en suspendant pendant quelques jours ses livraisons de pétrole comme pendant d'autres crises récentes et en réitérant que l'Armée de libération populaire ne soutiendra pas la Corée du Nord en cas de guerre ou d'agression.