La figure de proue de l'opposition birmane, Aung San Suu Kyi, juge positif le fait que les États-Unis aient entamé un dialogue avec le pouvoir birman, mais estime que les dirigeants américains ne doivent pas voir la junte à travers «des lunettes roses».

«Beaucoup de gens disent que maintenant que les États-Unis ont décidé de dialoguer avec le régime militaire, ils nous ont tourné le dos», a déclaré la dissidente en parlant de l'opposition, dans une interview diffusée vendredi par la chaîne CNN.

 

«Je ne vois pas les choses de cette façon. Je pense que ce dialogue est une bonne chose», a dit Mme Suu Kyi, qui vient d'être libérée aprèsIl ne fa avoir passé des années assignée à résidence.

Mais, a-t-elle ajouté à propos des dirigeants américains, «je ne veux pas qu'ils s'engagent dans ce dialogue en portant des lunettes roses. J'aimerais qu'ils aient une approche pragmatique».

L'administration Obama a entamé l'an dernier un dialogue avec la junte birmane après être parvenue à la conclusion que sa politique consistant à isoler le régime de Rangoun s'était révélée infructueuse.

Mme Suu Kyi a insisté sur le fait que Washington devrait «garder les yeux ouverts, rester en alerte et voir ce qui se passe réellement, à quoi mène le dialogue et quels sont les changements qui doivent advenir».

Kurt Campbell, le secrétaire d'État adjoint aux affaires asiatiques, principal artisan de ce dialogue côté américain, a déclaré en septembre qu'il était déçu de ses résultats jusqu'à présent.

Washington a salué la libération de Mme Suu Kyi le week-end dernier, et M. Obama a dit qu'elle était son «héroïne».

Mais l'administration américaine a aussi renouvelé ses appels à la libération de l'ensemble des 2100 prisonniers politiques du pays.

Le journaliste de CNN a demandé à Mme Suu Kyi si elle craignait d'être à nouveau arrêtée. «Beaucoup de gens me posent cette question, et tout ce que je peux dire c'est que je ne sais pas. C'est toujours possible. Après tout, on m'a arrêtée plusieurs fois par le passé».

«Rien ne dit qu'on ne m'arrêtera pas à nouveau. Mais on ne peut pas penser à cela tout le temps, il faut continuer à faire son travail», a-t-elle dit.

La chaîne CNN a expliqué que la junte ne l'avait pas autorisée à couvrir les élections du 9 novembre en Birmanie mais que son journaliste avait passé 16 jours dans le pays dans le cadre d'une sorte d'«opération sous couverture».

Les images de sa brève conversation avec la lauréate du prix Nobel de la Paix ont été diffusées vendredi, après qu'il eut quitté le pays et regagné Bangkok.

Par ailleurs, le département d'État américain a indiqué que la secrétaire d'État Hillary Clinton avait écrit une lettre ces derniers jours à Mme Suu Kyi et tenterait de lui téléphoner. L'opposante politique a déjà eu jeudi un entretien téléphonique avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

«Nous pensons qu'il convient d'adresser un message fort, uni et ferme pour réclamer un changement en Birmanie», a déclaré à la presse le porte-parole du département d'État, Phillip Crowley.

M. Crowley a souligné que le gouvernement birman avait la responsabilité de garantir la sécurité de la dissidente au moment où elle tente de reconstituer son parti et de rencontrer ses conseillers.