Crispation avec l'allié américain, crise ouverte avec la Chine, tension avec la Russie: depuis l'arrivée au pouvoir de l'opposition de centre-gauche il y a un peu plus d'un an, la diplomatie japonaise accumule les revers et semble en plein désarroi.

Les analystes et la presse japonaise pointent du doigt le manque d'expérience du Parti Démocrate du Japon (PDJ), tenu à l'écart du pouvoir pendant plus d'un demi-siècle par les conservateurs du Parti Libéral-Démocrate (PLD).

«Après avoir chassé le PLD en septembre 2009, le gouvernement du PDJ s'est révélé n'avoir qu'une diplomatie squelettique, en plus de son inexpérience dans les autres domaines», estime Tetsuro Kato, professeur de sciences politiques à l'Université Waseda.

Les Démocrates ont probablement fait une erreur en écartant les dizaines de milliers de fonctionnaires qui géraient les ministères, et donc la politique au jour le jour. Résultat: tous les réseaux tissés au fil des décennies ont été subitement interrompus.

Le premier chef de gouvernement du PDJ, Yukio Hatoyama, en a payé le prix en osant défier le puissant allié américain à propos des bases américaines au Japon, pierre angulaire du traité de sécurité entre les deux pays.

Après avoir réclamé haut et fort la révision de l'accord conclu par ses prédécesseurs conservateurs sur le déménagement de la base de Futenma dans l'île d'Okinawa (sud du Japon), il a dû se livrer à une piteuse volte-face et entériner finalement le texte avec quelques modifications de façade.

Honni par les habitants d'Okinawa et discrédité aux yeux de l'administration américaine, M. Hatoyama a démissionné en juin pour céder la place à Naoto Kan.

La Chine et la Russie ont probablement voulu profiter des crispations entre Tokyo et Washington pour tester la réaction du gouvernement nippon sur les différends territoriaux qui les opposent, estiment les analystes.

En l'espace de deux mois, le Japon se retrouve en crise ouverte sur deux fronts: au sud-ouest, à propos d'un groupe d'îles revendiquées par Pékin, et au nord-est, au sujet des Kouriles occupées par Moscou.

«Le gouvernement n'a pas su gérer la crise provoquée par la collision en septembre d'un chalutier chinois avec les garde-côtes nippons dans les îles Senkaku. Et Moscou a apparemment exploité la confusion régnant dans la diplomatie japonaise pour essayer d'enterrer les revendications de Tokyo sur les quatre îles du nord», a commenté mercredi le Yomiuri Shimbun, plus grand quotidien japonais.

L'opposition reproche au gouvernement de M. Kan d'avoir fait preuve de faiblesse face aux pressions et aux menaces de Pékin en relâchant le capitaine du chalutier chinois, sans pour autant mettre fin à la crise.

Les critiques ont redoublé après la visite lundi du président russe Dmitri Medvedev - la première d'une chef d'État soviétique ou russe depuis la fin de la guerre - sur l'une des quatre îles des Kouriles du Sud (appelées Territoires du Nord au Japon) administrées par Moscou mais revendiquées par Tokyo.

Le Japon a rappelé son ambassadeur à Moscou, mais le président russe a néanmoins annoncé qu'il se rendrait à nouveau sur ces îles.

«La visite est un message clair que la Russie ne rendra probablement pas les quatre îles», estime Hiroshi Kimura, expert de la Russie à l'Université Takushoku.

Akio Watanabe, professeur à l'Université de Tokyo, relève toutefois que l'attitude provocatrice des deux grands voisins du Japon peut s'expliquer par des impératifs de politique intérieure.

«La Chine et la Russie auront un changement de direction en 2012, et leurs dirigeants ont besoin de donner d'eux une image d'hommes forts», souligne-t-il en référence à l'élection présidentielle russe et au départ du numéro un chinois Hu Jintao.