La visite du président Dmitri Medvedev aux îles Kouriles, dont le Japon revendique une partie, jette un froid sur les relations diplomatiques bilatérales mais ne devrait pas nuire aux échanges économiques, Tokyo étant dépendant des ressources énergétiques russes, selon les analystes.

Moscou et Tokyo se disputent quatre îles de l'archipel des Kouriles (Habomai, Shikotan, Etorofu et Kunashiri dans leur dénomination japonaise). Ces îles avaient été annexées par les Soviétiques le 18 août 1945, trois jours après l'annonce de la capitulation du Japon.

Depuis, aucun président russe ne s'était rendu en visite officielle sur ces îles. En septembre, le président russe Dmitri Medvedev avait annoncé son intention de visiter les îles Kouriles, et malgré l'opposition virulente et manifeste de Tokyo, il a réalisé son projet en se rendant lundi à Kunashiri.

«En allant là-bas, Medvedev a montré qu'il était un dirigeant fort et que la Russie n'est pas un pays dont le dirigeant se fait dicter par l'étranger où il peut et où il ne peut pas aller», a déclaré à l'AFP Valéri Kistanov, chef du Centre d'Etudes japonaises à l'Académie des Sciences de Russie.

«Si le Japon avait réagi calmement au désir de Medvedev de se rendre aux Kouriles, cela n'aurait pas créé de tensions dans les relations. Mais une action entraîne une réaction», ajoute-t-il. Et le président russe, pour ne pas «perdre la face» se devait d'aller jusqu'au bout, après la vive réaction de Tokyo, souligne M. Kistanov.

Pour cet expert, la virulente réaction de Tokyo est essentiellement liée à la volonté du parti au pouvoir de redorer son image sur la scène politique japonaise. Le Parti démocrate du Japon, récemment arrivé au pouvoir, «est en effet souvent critiqué pour son manque d'expérience en politique étrangère et en diplomatie», indique-t-il.

C'est pourquoi, le Japon a décidé d'afficher une politique de fermeté envers la Russie, estime-t-il.

Ce déplacement controversé intervient alors que le président russe est attendu au Japon pour le sommet de la coopération économique Asie-Pacifique (Apec) le 12 novembre.

Mais selon les analystes, ce refroidissement politique a peu de risque d'influer sur les relations économiques entre les deux pays.

En effet, même si le Japon est le deuxième partenaire commercial de la Russie en Asie après la Chine, avec des échanges de 30 milliards de dollars en 2008, contre quatre milliards en 2005, Tokyo est bien plus dépendant de la Russie et de ses ressources naturelles que l'inverse.

«La Russie est le plus grand fournisseur de ressources naturelles en Asie», indique Roland Nash, analyste de la banque d'investissement Renaissance Capital.

«L'importance de la relation est sûrement beaucoup plus grande pour le Japon que pour la Russie», estime l'analyste.

Le Japon «a besoin de nos ressources énergétiques, il ne va pas arrêter ses importations», renchérit M. Kistanov.

De plus, selon M. Nash, si la Russie développe ses échanges avec le Japon, la Chine reste néanmoins son objectif premier sur le marché asiatique, où elle entend globalement renforcer sa présence.

«Le Japon est l'un des deux grands meneurs de la croissance économique en Asie. Bien sûr, il est important pour la Russie de garder de bonnes relations avec le Japon mais est-ce aussi important qu'avec la Chine ? Non. Aussi important qu'avec l'Europe ? Non», estime-t-il.