Le parti de la dissidente Aung San Suu Kyi, vainqueur des dernières élections en Birmanie il y a 20 ans, a dénoncé mardi le scrutin du 7 novembre qu'il boycotte, estimant que la junte ne voulait que «prolonger la dictature militaire».

«Cette élection sera organisée pour prolonger la dictature militaire et pour confirmer la Constitution de 2008», qui ne peut pas «construire une nouvelle nation démocratique et pacifique», a déclaré la Ligue nationale pour la démocratie (LND) dans un texte remis aux journalistes après une réunion de ses dirigeants.

Cette Constitution avait été adoptée lors d'un référendum très contesté qui s'était tenu seulement quelques jours après le passage du dévastateur cyclone Nargis (138 000 morts ou disparus) en 2008.

«Les lois électorales sont totalement injustes», a continué la Ligue, qui a été officiellement dissoute par les autorités pour avoir décidé de boycotter ces premières élections en vingt ans.

Une décision qu'elle a réaffirmée mardi. La LND, qui avait remporté les dernières élections de 1990 sans jamais être autorisée à exercer le pouvoir, «boycotte complètement l'élection de 2010», a insisté la déclaration.

«Les électeurs ont le droit de ne pas voter, selon la loi électorale. De plus, si quelqu'un est forcé à voter, il peut porter plainte auprès de la police», a encore ajouté la Ligue.

Les autorités birmanes, par l'intermédiaire du journal d'État New Light of Myanmar, avaient pourtant en septembre menacé de prison les opposants aux élections qui inciteraient au boycott, visant la LND sans la nommer.

Sans appeler directement au boycott, Aung San Suu Kyi, qui a déjà indiqué qu'elle n'irait pas voter même si elle le pouvait, a souligné que «les gens ont le droit de choisir s'ils voteront ou non», selon son avocat Nyan Win qui l'a rencontrée mardi dans sa maison où elle est assignée à résidence.

«Elle a également demandé aux électeurs de se demander pourquoi ils veulent voter, et pour qui», a-t-il ajouté.

Dans ce pays dirigé par une succession de régimes militaires depuis 1962, ces élections sont considérées comme une mascarade par l'Occident, qui n'y voit qu'une volonté des militaires de se muer artificiellement en un régime civil sans céder une once de pouvoir.

Un quart des sièges au Parlement leur est d'ailleurs réservé et la victoire des partis alignés sur la junte ne fait guère de doute pour les 1159 sièges restant à pourvoir dans les deux assemblées nationales et les parlements régionaux.

La lauréate du prix Nobel de la paix, exclue de ce processus, a vécu en résidence surveillée sans interruption depuis 2003 et pendant plus de 15 des 21 dernières années. Sa dernière condamnation à 18 mois d'assignation à résidence supplémentaire en 2009 expire en principe le 13 novembre, quelques jours après les élections.

La décision de la LND de boycotter le scrutin a provoqué la division de l'opposition. D'anciens membres du parti, qui voient ces élections comme un «premier pas» vers la démocratie, en ont formé un nouveau, la Force démocratique nationale (NDF), et participeront au scrutin.

La Ligue nationale pour la démocratie a dénoncé mardi cette création, qui ignore «la décision unanime» du parti de Mme Suu Kyi.

Mardi, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a de son côté appelé la junte birmane à faire en sorte que les élections du 7 novembre, soient «ouvertes», «transparentes et crédibles», soulignant qu'il n'était «pas trop tard» pour faire un geste en libérant les prisonniers politiques.