Les généraux au pouvoir en Birmanie ont fixé au 7 novembre des élections législatives, organisées pour la première fois depuis vingt ans mais dont la communauté internationale estime déjà qu'elles seront dépourvues de toute légitimité démocratique.

Le scrutin sera marqué par l'exclusion de l'opposante et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, 65 ans, qui a passé la majeure partie des 20 dernières années en prison ou en résidence surveillée et dont le parti - la Ligue nationale pour la démocratie (LND) - a été dissous en mai pour avoir décidé de boycotter les élections.

Le dernier scrutin législatif en Birmanie remonte à 1990. La LND de Mme Suu Kyi, fondée en 1988 après un soulèvement contre la junte de l'époque, avait très largement remporté ces élections, mais les résultats n'avaient jamais été reconnus par les militaires.

Cette fois, soulignent des analystes, un quart des sièges au Parlement seront réservés aux militaires, ce qui devrait éviter à la junte actuelle du généralissime Than Shwe tout risque de revers majeur.

«Le régime militaire a retenu la leçon, il utilise donc tous les moyens possibles pour que ses partis (et affidés) remportent les élections», a estimé Naing Aung, membre du Forum pour la démocratie en Birmanie basé en Thaïlande.

Parmi la quarantaine de formations enregistrées pour les élections de novembre figure le Parti de l'Union, de la solidarité et du développement (USDP) créé par le premier ministre Thein Sein et plusieurs ministres qui ont récemment quitté l'armée.

«S'il y avait un processus libre et équitable, nous sommes convaincus à 100% que les partis soutenus par les militaires ne gagneraient pas», a ajouté Naing Aung.

En mars, des lois encadrant strictement les élections ont interdit aux partis de conserver parmi leurs membres tout prisonnier politique.

La LND a dû choisir entre renoncer au scrutin ou exclure Mme Suu Kyi qui purge actuellement une énième peine d'assignation à résidence. Le parti a finalement décidé de boycotter les élections et a été dissous par le pouvoir.

Certains de ses cadres, en désaccord avec cette stratégie, ont créé la NDF (Force nationale démocratique).

Les élections «ne peuvent pas être libres et justes», a déclaré à l'AFP Nyan Win, longtemps porte-parole de la LND. «Nous ne jouissons toujours pas de la liberté d'expression ou d'information», a-t-il déploré, ajoutant qu'il n'y a aucune indication que Mme Suu Kyi recouvre la liberté d'ici le scrutin.

Sans leur dirigeante charismatique, icône de la résistance pacifique au pouvoir militaire, la NDF et tout autre parti d'opposition ont peu de chances de rééditer le triomphe de la LND en 1990.

Certains partis pro-démocratiques ont déjà émis des réserves sur la préparation des élections.

Thu Wai, président du Parti démocratique, a dénoncé mardi des manoeuvres d'intimidation, menées par la police, dont ont été victimes certains de ses membres.

Un autre candidat, Phyo Min Thein, ancien prisonnier politique, a démissionné la semaine dernière de la présidence du Parti de l'union démocratique et indiqué qu'il ne participerait pas à un scrutin «ni libre, ni équitable».

Le mois dernier, les États-Unis ont de nouveau exprimé leur inquiétude devant un «processus électoral défectueux» dans un pays gouverné par des généraux depuis 1962 et soumis à des sanctions occidentales en raison de violations répétées des droits de l'Homme.

Les États-Unis et l'Union européenne avaient imposé des sanctions notamment pour protester contre la poursuite de la détention d'Aung San Suu Kyi.

Les sanctions ont été renforcées après la répression sanglante en 2007 d'un mouvement de protestation populaire emmené par des moines bouddhistes.