Quelque 6 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire pour survivre aux inondations qui affligent le Pakistan, estime l'ONU. Une situation qui ne pourra se résorber sans un soutien international de plusieurs centaines de millions de dollars. La Presse fait aujourd'hui le point sur une crise d'une ampleur jamais connue dans ce pays.

Q Quelle est l'ampleur des inondations au Pakistan?

R Selon le premier ministre du pays, Yousouf Raza Gilani, les inondations qui ont débuté le 23 juillet représentent la plus grande catastrophe de l'histoire du Pakistan moderne. «C'est comme avoir un ouragan Katrina dans chaque ville du Canada», a illustré Peter Kessler, porte-parole du Haut-Commissariat aux régions des Nations unies, que La Presse a joint à Islamabad.

À ce jour, le gouvernement pakistanais estime à 13,8 millions le nombre de personnes touchées par la catastrophe et qui auront besoin d'aide. En 2005, un important tremblement de terre avait touché 3 millions de personnes. Cependant, les inondations ont fait moins de morts. Les autorités estiment que 1600 personnes ont péri dans les inondations, alors que le séisme de 2005 avait fait 73 000 morts.

Q Pourquoi y a-t-il moins de morts?

R Au début des inondations, dans le nord du pays, des crues éclair ont pris les gens au dépourvu, mais à mesure que l'eau se déplaçait vers le sud, les gens ont pu être évacués, explique Waleed Rauf, directeur national pakistanais de l'organisation CARE. M. Rauf ajoute cependant que les sinistrés ne sont pas hors de danger. Les pluies de la mousson, à l'origine des inondations, pourraient durer encore un mois. Le mauvais temps rend difficile l'accès aux victimes, et les ressources sont pour le moment limitées. «En ce moment, une personne sur cinq ou six reçoit de l'aide», déplore M. Rauf.

Beaucoup de terres agricoles ayant été inondées, la sécurité alimentaire du pays est en péril. Des épidémies liées à l'eau contaminée sont aussi à craindre. Les organismes humanitaires redoutent enfin les effets à long terme de la catastrophe. «La vie de millions de gens est complètement détruite. Ils ont perdu leur maison, leurs biens et leur gagne-pain», note M. Rauf.

Q Quelles régions du Pakistan sont le plus touchées?

R La province de Khyber Paktenkhwa, dans le Nord-Ouest, est de loin la plus touchée, avec 6 millions de déplacés. L'an dernier, cette région a aussi beaucoup souffert de la guerre qui a opposé les talibans du Pakistan aux forces gouvernementales.

Parmi les autres régions durement frappées, on compte le Gilgit Baltistan, le Balouchistan, le Sindh et le Penjab. Hier, dans cette dernière région, les habitants de Muzzaffargah, qui compte habituellement 250 000 âmes, avaient déserté leur ville. Pour le moment, les grandes villes de Karachi et d'Islamabad sont épargnées.

Q Quel impact a cette crise sur le gouvernement pakistanais?

R Même s'il a réussi à évacuer des centaines de milliers de personnes, le gouvernement pakistanais est vertement critiqué pour sa lenteur. Le président, Asif Ali Zardari, est la principale cible de ces critiques. Alors que la crise humanitaire battait son plein, il s'est rendu en Europe pour des rencontres diplomatiques et pour visiter son château en Normandie. Lors d'une manifestation en Angleterre, des Pakistanais de la diaspora lui ont lancé des insultes et une chaussure. Le président Zardari est rentré au pays hier. Il doit se rendre aujourd'hui dans les zones sinistrées.

Q Comment réagit la communauté internationale?

R Trop lentement, selon Peter Kessler, du HCR. À ce jour, les pays donateurs n'ont versé que 38,2 millions de dollars aux Nations unies pour les opérations d'urgence, et ils ont promis 90 millions supplémentaires. Hier, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a demandé à la communauté internationale d'ouvrir son portefeuille. Selon l'ONU, des centaines de millions seront nécessaires pour remettre le pays sur pied. «Ce sera une tâche majeure et à longue échéance», a-t-il dit hier.

Q Qu'a fait le Canada?

R Le gouvernement a annoncé la semaine dernière une aide d'urgence de 2 millions de dollars. Plus de la moitié de cet argent, soit 1,25 million, est allé au Programme alimentaire mondial de l'ONU. Le reste a été envoyé à la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Le gouvernement Harper affirme qu'il suit de près l'évolution de la situation. En comparaison, le gouvernement canadien a promis 550 millions de dollars pour les victimes du séisme en Haïti.