Ce sont des scènes qui rappellent les intifadas palestiniennes: depuis six semaines, des centaines de jeunes Cachemiris comme Amjad Khan, 17 ans, descendent presque chaque jour dans les rues pour jeter des pierres sur les forces de sécurité indiennes.

Un vent de colère s'est propagé dans toute la région du Cachemire indien à majorité musulmane après la mort début juin d'un lycéen tué par la police lors d'une manifestation de militants séparatistes dans la capitale d'été, Srinagar.

Ces dernières semaines de manifestations, qui ont causé la mort de dix-sept jeunes, imputées aux forces de l'ordre, font craindre aux observateurs un risque de radicalisation de la population de 12 millions d'habitants.

«Je jette des pierres pour montrer ma colère, ma haine contre l'état actuel des choses», confie Amjad Khan (son identité a été modifiée).

Fils d'un employé du gouvernement local qui désapprouve son attitude, Amjad, en jean,

T-shirt et les cheveux gominés à la manière des stars de Bollywood, affirme ne pas être un musulman particulièrement pratiquant.

Il se joint à la prière du vendredi simplement pour pouvoir se rendre aux manifestations anti-indiennes qui se déroulent dans la foulée, dit-il.

Depuis 1989, la région himalayenne est le théâtre d'une insurrection anti-indienne qui a fait plus de 47 000 morts, mais la violence a marqué le pas depuis l'amorce en 2004 d'un processus de paix entre l'Inde et le Pakistan.

Né pendant l'insurrection comme la plupart des manifestants de moins de 20 ans, Amjad Khan n'a connu que la violence et se sert aujourd'hui des sites internet Facebook et Youtube pour faire connaître leur lutte.

«Facebook et YouTube nous ont fourni une plateforme pour communiquer au monde nos aspirations et nos frustrations», dit Showket Ahmed, 24 ans, qui prend des photos des manifestations avec son téléphone portable avant de les télécharger sur le site de socialisation.

Le contrôle du Cachemire, divisé en deux et administré d'un côté par New Delhi et de l'autre par Islamabad, a été le motif de deux des trois guerres qui ont opposé les pays rivaux depuis le démantèlement de l'Empire des Indes en 1947.

Des partis pro-Indiens réclament une autonomie de la région tandis que des séparatistes modérés exigent son indépendance et que des radicaux continuent de militer pour un rattachement au Pakistan.

New Delhi a vu dans cette nouvelle spirale de violence l'oeuvre en sous-main d'extrémistes pakistanais mais de nombreux dirigeants politiques locaux estiment que c'est le désespoir de la jeunesse concernant leur avenir qui a jeté le feu aux poudres.

La région compte environ 400 000 jeunes chômeurs et des décennies de tentative de dialogue politique sur le statut du Cachemire ont donné peu de résultats.

«Militairement, la sécurité intérieure est sous contrôle. Maintenant, il faut gérer les choses politiquement», estimait récemment dans un entretien au quotidien Times of India V.K Singh, général en chef de l'armée indienne.

Jusqu'à présent, les jeunes se battent avec des pierres.

Mais selon Javed Mir, un ancien chef de militants armés, la réponse musclée de New Delhi  -qui a envoyé l'armée pour faire respecter les mesures de couvre-feu- pourrait faire des lanceurs de pierre de jeunes recrues pour une nouvelle insurrection.

«Avant le début de l'insurrection, moi et mes amis avions l'habitude de jeter des pierres pour attirer l'attention sur les problèmes du Cachemire. Mais on a échoué et on a finalement pris les armes», prévient-il.