Le pouvoir thaïlandais, qui accuse l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra d'être impliqué dans les violences en marge des manifestations des «chemises rouges», a franchi un pas supplémentaire mardi en émettant un mandat d'arrêt contre lui pour «terrorisme».

Le gouvernement reproche à Thaksin d'avoir incité les «rouges» aux violences et financé le mouvement qui a occupé le centre de Bangkok pendant des semaines pour réclamer le départ du premier ministre Abhisit Vejjajiva. «Un tribunal a estimé qu'il y avait assez de preuves pour un mandat d'arrêt» pour terrorisme, a annoncé le chef-adjoint du Département des enquêtes spéciales (DSI) Naras Savestanan.

Icône de nombreuses «chemises rouges» pour ses programmes sociaux d'aide aux plus pauvres alors qu'il était au pouvoir, Thaksin, décrit par ses détracteurs comme populiste, autoritaire et corrompu, avait été élu en 2001 et réélu triomphalement en 2005 avant d'être renversé en 2006 par un coup d'Etat militaire.

En février dernier, la Cour suprême l'avait également jugé coupable d'abus de pouvoir et gelé la moitié de sa fortune (1,4 milliard de dollars).

Désormais, si la procédure devait aller à son terme, il risque la peine de mort. Cependant, ce mandat d'arrêt semble surtout destiné à permettre au gouvernement d'obtenir son extradition.

«Ce mandat facilitera notre travail avec les pays étrangers», a ainsi expliqué Abhisit, estimant que «beaucoup d'importance» était accordée à ce type d'accusation dans le monde.

Thaksin a déjà démenti être le «cerveau des terroristes» et avoir sapé les négociations entre le gouvernement et les «chemises rouges» qui ont capoté une semaine avant l'assaut de l'armée, mercredi dernier, contre les manifestants.

«La junte en Thaïlande doit aujourd'hui être tenue pour responsable des morts et abus des droits de l'Homme» dans le pays, a-t-il dit mardi dans un communiqué publié peu après l'émission du mandat d'arrêt.

Entre le début des manifestations mi-mars et la dispersion par la force du mouvement, au moins 88 personnes ont été tuées et 1900 blessées. La reddition des leaders «rouges» a été suivie de scènes de guérilla urbaine et plus d'une trentaine de bâtiments ont été incendiés.

Il existe «suffisamment de preuves» pour faire arrêter Thaksin notamment pour son «rôle de coordinateur» dans ces émeutes, a assuré le responsable du DSI.

Le gouvernement avait exposé samedi un arsenal d'armes qu'il affirme avoir saisi dans le camp des manifestants, une présentation destinée à asseoir ses accusations contre les «rouges», tout en répondant aux critiques selon lesquelles l'armée a fait un usage excessif de la force.

«Depuis le début de la crise, le gouvernement diabolise Thaksin à outrance, ce qui lui permet de se déresponsabiliser par rapport à la société et d'éviter d'aborder les questions de fond», analyse Arnaud Leveau, de l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (Irasec).

La crise politique dans le royaume a rappelé l'étendue des divisions dans la société.

Les «chemises rouges», masses rurales et classes populaires des environs de la capitale, reprochent aux élites de Bangkok qui gravitent autour du palais royal et détestent Thaksin de les mépriser et de ne pas partager les fruits de la croissance économique.

Dans le centre de Bangkok, après les derniers coups de balai, la vie avait totalement repris son cours normal mardi. Soucieux de maintenir le calme, le gouvernement a cependant une fois de plus prolongé le couvre-feu pour quatre nuits supplémentaires.