Bangkok se pressait vendredi pour retrouver un aspect normal après deux mois de manifestations et de violences, en tentant d'évaluer le coût de la crise entre destruction de certains quartiers, baisse de l'activité et détérioration durable de son image.

La sécurité semblait peu à peu revenir dans une ambiance de régime militaire. Mais l'économie restait au ralenti avec une Bourse de Bangkok incendiée, le plus grand centre commercial du pays brûlé et au bord de l'effondrement, et la totalité des banques de la capitale fermée.

Pour certains analystes, ces dommages sont pourtant moins importants que l'atteinte à l'image du pays. Longtemps considérée comme un îlot de stabilité en Asie, la Thaïlande est devenue un pays instable et à risque.

«La dernière crise politique a clairement mis à mal la confiance dans le pays», estime Nandor von der Luehe, président du groupement des Chambres de commerce étrangères en Thaïlande.

«Je ne pense pas que les investissements engagés seront retirés mais en attirer de nouveaux va être compliqué. Il faut beaucoup de temps pour se bâtir une réputation, et une nuit pour la détruire», explique-t-il.

Les autorités du tourisme ont réduit de 16 à 13 millions le nombre de visiteurs attendus en 2010, un coup dur pour un secteur qui représente 6% du produit intérieur brut.

À Tokyo, le ministre des Finances Korn Chatikavanij a reconnu que les violences dans la capitale, des scènes de guérilla urbaine il y a peu inimaginables au «pays du sourire», auraient un «impact désastreux» sur le tourisme, même si la plupart des sites sont éloignés de Bangkok.

«Nos partenaires étrangers ont peur de nous envoyer des clients», confirme le responsable marketing d'une grande chaîne hôtelière, en s'attendant à une «tempête» d'annulations. «L'image de la Thaïlande est touchée. À la place de la sérénité, ce n'est plus que du sang, du feu et des problèmes».

Le quotidien anglophone Bangkok Post estime que le coût des seules destructions, dont quelque 35 bâtiments enflammés, pourrait atteindre 40 milliards de bahts (1,2 milliard de dollars).

Mais Supavud Saicheua, analyste chez Phatra Securities, tempère les prévisions alarmistes, en rappelant que la haute saison touristique ne commençait pas avant octobre. «Cela se jouera au cours des trois ou quatre prochains mois, lorsque les tours opérateurs les plus importants confirmeront ou non la venue des touristes».

D'autres rappellent que le pays s'est habitué à ce type de crises. «La confiance des investisseurs va s'apaiser. Nous pouvons nous relever très vite», promet Payungsak Chartsutipol, président de la Fédération des industries thaïlandaises. «Notre industrie d'exportation est très forte et nos activités équilibrées».

Pour le petit commerce, évidemment, les pertes des dernières semaines seront plus difficiles à éponger. Mais l'optimisme est presque obligatoire pour ceux qui balaient les bris de verre et font les inventaires des boutiques pillées.

«Je vendais jusqu'à dix porte-monnaies par jour. Je n'en ai pas vendu un seul depuis que les soldats sont arrivés la semaine dernière», constate Tomorn Onsa, 26 ans, un vendeur de rue du quartier touristique de Nana, à proximité de l'ex-camp retranché des «chemises rouges». «J'espère que ça va repartir. Sinon je ne sais pas comment je vais envoyer de l'argent à ma famille».