Les soldats ont pris le contrôle jeudi du centre de Bangkok qui offrait un spectacle de désolation avec des centres commerciaux incendiés et des rues désertes au lendemain d'émeutes ayant suivi l'assaut meurtrier contre les «chemises rouges» thaïlandaises.

La tension est nettement retombée dans la capitale, où aucun affrontement sérieux n'a été signalé jeudi.

Mais le gouvernement a reconduit pour trois nuits le couvre-feu qui a permis, selon lui, de stopper les violences et les incendies allumés par les émeutiers la veille d'un quartier à l'autre.

«Il y a encore des militants armés, cachés dans des immeubles» aux alentours de la «zone rouge» évacuée la veille, a affirmé le porte-parole de l'armée, Sunsern Kaewkumnerd.

Les accès à ce quartier situé au coeur de Bangkok sont restés limités par une succession de barrages militaires.

Au total, 14 personnes, dont un photographe italien, ont été tuées et 91 blessées lors de l'assaut militaire qui a mis fin à deux mois de manifestations, selon un bilan officiel.

Plusieurs d'entre elles ont été tuées par balles mercredi soir autour du temple bouddhique érigé en sanctuaire pendant les violences, où plusieurs milliers de «rouges» avaient trouvé refuge.

Des cars et des trains ont été mis à leur disposition jeudi pour les raccompagner chez eux. La plupart sont originaires des régions agricoles et plutôt pauvres du nord et du nord-est où l'état d'urgence et le couvre-feu ont été également décrétés après des incendies de bâtiments officiels.

Le premier ministre Abhisit Vejjajiva, dont les «rouges» exigeaient la démission, a appelé la population à lui faire confiance pour rétablir le calme. «Nous ramènerons la paix et nous nous relèverons», a-t-il assuré.

Les leaders rouges ont également appelé à la modération et à la non-violence. «La démocratie ne peut pas se bâtir sur la vengeance», a expliqué l'un d'eux, Veera Musikapong, qui s'est rendu à la police.

«Nous connaissons l'heure la plus difficile de l'histoire thaïlandaise», a jugé Thawil Pliensri, secrétaire-général du Conseil national de la Sécurité, en exhortant le gouvernement à éviter tout triomphalisme.

Les pompiers ont eu fort à faire pour éteindre les incendies de la Bourse, d'une télévision, de banques et de plusieurs centres commerciaux.

Le plus spectaculaire a dévasté Central World, le plus grand du royaume, qui ressemblait à un tas de ruines avec un vaste périmètre calciné et encore fumant.

Cet emblème de la «nouvelle Thaïlande», prospère et ouverte sur l'étranger, est ainsi devenu le symbole d'une capitale en feu au lendemain du mouvement politique le plus important depuis vingt ans.

Après l'explosion de violence, les habitants des quartiers les plus touchés sont ressortis dans les rues pour évaluer les dégâts. La plupart bénéficient d'une semaine fériée décrétée par le gouvernement, alors que les écoles, les administrations, les banques et la Bourse vont rester fermées vendredi.

Sur le plan politique, une nouvelle période d'incertitude s'ouvre. «La reddition ne signifie pas la fin du conflit», a prévenu le quotidien The Nation.

Abhisit avait proposé le 3 mai des élections législatives anticipées à la mi-novembre, une initiative accueillie favorablement par l'ensemble de la classe politique. Mais il avait annulé cette offre dix jours plus tard, arguant que les «rouges» ne mettaient pas fin à leur mouvement.

La gravité de la crise, qui a fait au moins 82 morts et plus de 1.800 blessés depuis la mi-mars, risque d'accentuer les divisions déjà profondes de la société thaïlandaise.

Masses rurales et classes populaires des environs de la capitale s'estiment privées des fruits du boom économique et méprisées par les élites de Bangkok, que symbolise selon elles Abhisit.

Les États-Unis, l'ONU, l'Union européenne et le Japon ont exhorté les responsables thaïlandais à trouver un règlement pacifique.