Le premier ministre thaïlandais a exclu samedi de renoncer aux opérations militaires engagées contre les manifestants, alors que Bangkok a été le théâtre de nouvelles scènes de guérilla urbaine au cours desquelles au moins six personnes ont été tuées.

Au total, selon les services de secours, 22 personnes ont été tuées et 172 blessées depuis jeudi soir, date de la reprise des violences.

«Nous ne pouvons reculer et permettre à ceux qui violent la loi et arment des militants de tenir tête au gouvernement», a déclaré Abhisit Vejjajijva à la télévision.

Peu avant, le porte-parole de l'armée avait évoqué la possibilité d'un coup de force dans le quartier contrôlé par les «chemises rouges» antigouvernementales.

«Il y a un plan pour évacuer Ratchaprasong si l'occupation ne prend pas fin», a déclaré Sunsern Kaewkumnerd. Mais le moment de l'opération reste à déterminer. «Sans une préparation adéquate, il y aura davantage de pertes de vies humaines».

Les tirs ont été sporadiques toute la journée de samedi autour de la limite nord du quartier «rouge», selon des photographes de l'AFP.

Alors que la situation apparaissait calme à l'aube, selon un résident étranger, une vingtaine de manifestants se sont avancés avec un drapeau thaïlandais. «Ils ont fait vingt mètres, et là, sans sommation, les militaires ont ouvert le feu à tirs tendus».

Les soldats ont installé un panneau portant la mention «zone de tirs à balles réelles».

De violents heurts ont aussi éclaté à plusieurs kilomètres de là, à l'extrémité sud de la zone «rouge», où les manifestants se sont opposés à l'armée à coup de cocktails Molotov.

La crise politique, la plus grave dans le royaume depuis 1992, a déjà fait officiellement 52 morts et plus de 1600 blessés depuis la mi-mars.

«Les soldats ne pouvaient pas faire autrement que de se défendre contre les attaques dont ils étaient l'objet», a affirmé le porte-parole du gouvernement, Panitan Wattanayagorn.

Ce regain de violence inquiète la communauté internationale. Après le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, Singapour et surtout la Chine ont exprimé leurs «vives préoccupations».

Le porte-parole du département d'Etat américain, Philip Crowley, a encouragé les protagonistes «à manifester de la modération et à résoudre pacifiquement leurs différends».

«La situation actuelle est quasiment de la guerre civile», a estimé Jatuporn Prompan, l'un des leaders des manifestants. «Je ne sais pas comment le conflit va se terminer».

Les «chemises rouges» jugent le premier ministre illégitime et l'accusent de servir les élites de Bangkok, qui gravitent autour du palais royal -hauts fonctionnaires, magistrats, militaires, hommes d'affaires. Ils réclament sa démission et des élections anticipées.

Après l'échec de 10 jours de négociations, le pouvoir a décidé de les asphyxier sur le plan logistique pour réduire le nombre de manifestants, désormais privés d'alimentation en électricité, d'eau et de nourriture. Samedi, enfants et vieillards semblaient avoir quitté les lieux.

Ces mesures «sont les mieux adaptées et vont être maintenues afin de restaurer la paix dans le pays», a ajouté Abhisit.

Malgré les inquiétudes manifestes des protestataires, Weng Tojirakarn, l'un des leaders «rouges», les a appelé à tenir bon derrière leurs barricades de barbelés, de pneus arrosés de kérosène et de bambous.

«Enlevez vos symboles rouges, sinon vous risquez d'être abattus par des soldats», a-t-il martelé, soulignant qu'aucun militaire n'avait été tué depuis jeudi, preuve selon lui que les manifestants ne sont pas armés.

Jeudi, un général renégat devenu pro-manifestants, Khattiya Sawasdipol, alias Seh Daeng, a été grièvement blessé par balle à la tête. Il demeurait samedi dans un état critique.