«Les militaires ne peuvent pas entrer ici.» Voilà les derniers mots qu'a prononcés hier le général rebelle Khattiya Sawatdiphol, un des leaders du mouvement des «chemises rouges» thaïlandais, avant de recevoir une balle à la tête.

Quelques heures plus tôt, l'armée thaïlandaise a laissé savoir qu'elle s'apprêtait à encercler les 20 000 protestataires qui lui tiennent tête depuis la mi-mars et qui se sont récemment barricadés dans un des quartiers chic de Bangkok, Rajprasong. Ces derniers réclament la démission du premier ministre en place, Abhisit Vejjajiva.

 

Décrétant l'état d'urgence dans 17 provinces de la Thaïlande, les commandants de l'armée ont averti que des véhicules militaires et des tireurs d'élite allaient encercler à partir de 18h hier les barricades de bambou et de pneus des chemises rouges. Dans la foulée, ils ont annoncé que de vraies munitions seraient utilisées contre les «terroristes» portant des armes qui prennent part au siège des chemises rouges.

Stratège militaire autoproclamé des chemises rouges, le général Khattiya Sawatdiphol, surnommé le «commandant rouge» depuis qu'il est entré dans les rangs des protestataires, tournait en dérision l'ultimatum de l'armée quand le projectile l'a atteint à la tête.

Le journaliste du New York Times qui était en train de l'interroger a vu l'homme de 58 ans s'effondrer sous ses yeux. Il a été transporté à l'hôpital, où, selon plusieurs sources médiatiques, il était dans un état critique hier.

À maintes reprises, au cours des dernières semaines, le gouvernement thaïlandais a accusé le général Khattiya d'être à la tête d'un groupe paramilitaire au sein des chemises rouges, et l'a défini comme l'un des principaux obstacles à la résolution de la crise politique qui secoue la Thaïlande depuis le renversement, par l'armée, du premier ministre Thaksin Shinawatra, en 2006.

Attaque générale

Encore non revendiqué, l'attentat contre le commandant rouge a été le clou d'une journée de tensions en Thaïlande, au cours de laquelle le premier ministre Abhisit Vejjajiva a annoncé qu'il retirait son offre d'organiser des élections anticipées.

Dans la soirée, plusieurs explosions et coups de feu ont été entendus autour du quartier barricadé des chemises rouges. L'électricité, les transports et les communications ayant été coupés dans ce secteur, l'information arrivait au compte-gouttes hier soir.

Le général Prawut Thavorsiri a cependant annoncé qu'un manifestant portant un t-shirt rouge est mort après avoir été atteint lui aussi d'un projectile à la tête.

Violence bis

Ce n'est pas la première fois que la confrontation entre les forces de l'ordre et les manifestants dégénère. Le 10 avril dernier, 25 manifestants sont morts. Cet incident est d'ailleurs à l'origine d'un schisme au sein des chemises rouges. Si certains leaders de ce mouvement d'opposition étaient prêts à conclure une entente avec le gouvernement pour la tenue d'élections, d'autres, dont le général Khattiya, refusaient tout compromis et demandaient justice pour le carnage du 10 avril.

Se disant préoccupés par la situation hier, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont décidé de fermer temporairement leur ambassade en Thaïlande. Pour sa part, le gouvernement canadien recommande à ses citoyens de faire preuve de prudence s'ils voyagent dans le pays d'Asie du Sud-Est et leur demande d'éviter Bangkok.

Avec l'AFP, AP, The New York Times, Al-Jazira, BBC