Un militaire thaïlandais qui a choisi le camp des «chemises rouges» antigouvernementales, Khattiya Sawasdipol, a été victime de tirs jeudi soir à Bangkok où la tension est brusquement remontée alors que l'armée menaçait de boucler complètement le quartier où sont retranchés les manifestants.

Le soldat, très populaire parmi les manifestants et de facto en charge des opérations de sécurité dans leur campement, a reçu une balle à la poitrine, selon une infirmière de l'hôpital Hua Chiew où il a été admis. «Son état est très sérieux. Il est sous assistance respiratoire», a-t-elle déclaré.

Le général Khattiya, 58 ans, est présenté par le pouvoir comme l'un des principaux adversaires de la réconciliation. Il se revendique comme un allié indéfectible de Thaksin Shinawatra, l'ex-premier ministre en exil renversé en 2006 par un coup d'État militaire dont se réclament de nombreux manifestants.

Des tirs et des détonations ont été entendues par des journalistes de l'AFP jeudi près des barricades devant Silom, le quartier financier de Bangkok, où une attaque à la grenade avait eu lieu le mois dernier faisant un mort et plus de 80 blessés.

Le plan de sortie de crise proposé par le premier ministre Abhisit Vejjajiva semblait très mal en point jeudi soir.

Les «chemises rouges» ont exigé lundi, avant de quitter la ville, l'inculpation du numéro deux du gouvernement, Suthep Thaugsuban, qu'ils jugent responsable des violences du 10 avril (25 morts, plus de 800 blessés). Depuis, la situation ne fait que se tendre.

Exaspérés, Abhisit a annulé les élections anticipées offertes le 14 novembre en échange de la fin du mouvement. Et l'armée a annoncé sa volonté d'étrangler les manifestants, déclarant envoyer, selon le ministère de la Défense, 52 blindés de fabrication chinoise prendre position autour du quartier.

L'opération devait intervenir à 18H00 (7H00 HNE). Mais aucun blindé n'était visible deux heures après l'échéance.

Le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole militaire, avait prévenu que des «tireurs embusqués (seraient) déployés» et que l'usage de balles réelles serait autorisé en cas de menaces, et contre des «terroristes armés».

L'eau courante, les lignes fixes et mobiles de téléphone ainsi que tous les transports publics devaient aussi être interrompus.

Officiellement, il ne s'agissait pourtant pas d'une dispersion par la force des manifestants, une opération extrêmement délicate dans ce quartier protégé par des barricades de bambous, de pneus et de barbelés tranchants, et dans lequel vivent des femmes et des enfants.

Cette hypothèse a d'ailleurs été plusieurs fois écartée par le chef de l'armée ces dernières semaines.

Le pouvoir avait déjà annoncé mercredi qu'il priverait les «rouges» d'électricité, d'eau et de communications téléphoniques à partir de minuit (17H00 GMT mercredi). Il n'en avait rien été.

Les «chemises rouges» ont pour leur part retrouvé jeudi les diatribes dramatiques et les appels au sacrifice qui avaient disparu ces derniers jours.

«Ce sera un prêté pour un rendu, une vie pour une vie. Personne n'a peur de toi, Abhisit», a martelé Kwanchai Praipana, un des leaders du nord-est du pays, d'où viennent de nombreux manifestants.

«Nous sommes prêts pour la dernière bataille contre Abhisit», a affirmé Jatuporn Prompan, l'un des trois hauts responsables «rouges».

«Nos mains nues se battront contre des blindés et des armes automatiques», a-t-il ajouté, invitant les manifestants à utiliser leurs téléphones portables, pendant qu'il était encore temps, pour appeler du renfort.

La crise, la pire dans le royaume depuis 1992, a fait 29 morts et près de 1 000 blessés depuis la mi-mars.