Le pouvoir thaïlandais a décidé mercredi de prendre des mesures draconiennes pour isoler les manifestants retranchés dans un quartier de Bangkok dans l'espoir de mettre fin à des désordres politiques qui s'éternisent.

Si elles n'ont pas levé le camp jeudi à minuit, les «chemises rouges» seront privés d'électricité, d'eau, de communications téléphoniques et d'approvisionnements en nourriture, a annoncé le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole de l'armée et de la cellule gouvernementale chargé des opérations de crise.

Mais après minuit, l'électricité n'avait pas été coupée, des responsables ayant estimé que cette mesure risquait de plonger dans l'obscurité une grande partie de la capitale. Ils n'excluaient toutefois pas de couper le courant et l'approvisionnement en eau ultérieurement, mais voulaient commencer par des actions ayant moins de conséquences pour la population.

Les autorités ont averti également que les accès de la zone occupée seraient bloqués et que «plus personne ne serait autorisé à y pénétrer». Elles ont en outre appelé les habitants de ce quartier central, qui abrite surtout des grands magasins, des hôtels, des bureaux et des ambassades, à quitter les lieux.

«L'armée est prête mais, à ce stade, je ne veux pas parler d'intervention car nous voulons utiliser des mesures pour renforcer la pression sur eux (les manifestants)», a spécifié Sunsern.

Cet ultimatum a été aussitôt rejeté par les chefs des opposants. «Aucun «chemises rouges» n'a peur de vos menaces de couper l'eau et l'électricité. Nous ferons face, à mains nues, aux soldats s'ils utilisent leurs armes», a mis en garde l'un d'eux, Weng Tojirakarn.

«Nous lutterons jusqu'à la mort», a renchéri Jatupron Prompan, un autre leader.

La crise politique, la pire dans le royaume depuis 1992, a fait 29 morts et près de 1.000 blessés depuis la mi-mars.

Toute intervention des forces de l'ordre serait très délicate à mener dans un quartier où les «rouges» sont retranchés derrière des barricades de bambous, de pneus et de barbelés tranchants. De plus, des femmes et des enfants sont présents dans la foule composée pour une bonne part de paysans et d'artisans venus du nord et de l'est du pays.

Le durcissement du pouvoir illustre son exaspération croissante face aux atermoiements des manifestants qui exigent, avant de partir, des garanties sur les engagements pris par le Premier ministre Abhisit Vejjajiva.

Ce dernier avait bon espoir de débloquer la situation en présentant le 3 mai une feuille de route comprenant une dissolution de la chambre basse du Parlement en septembre et des législatives anticipées le 14 novembre.

Ce plan a été approuvé par les principales formations politiques et a reçu un accueil favorables des «rouges».

Mais ils ont depuis conditionné leur départ à l'inculpation du numéro deux du gouvernement pour les violences du 10 avril qui avaient fait 25 morts et plus de 800 blessés.

Le vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban s'est présenté mardi devant des enquêteurs du Département des enquêtes spéciales (DSI) pour se voir notifier la plainte déposée par les manifestants. Mais aucune charge n'a été retenue contre lui, provoquant la colère des «rouges».

Suthep a indiqué être prêt à répondre de ses actes, ajoutant cependant qu'il était légalement protégé par l'état d'urgence décrété au moment des faits.

Abhisit a pour sa part menacé mardi soir les manifestants de changer d'avis sur la date des élections anticipées si «la situation ne revenait pas à la normale» mercredi.