Plusieurs membres du parti de Mme Aung San Suu Kyi, dissous vendredi par la junte birmane pour avoir choisi de boycotter les prochaines élections législatives, ont annoncé qu'ils créaient de leur propre initiative une nouvelle formation d'opposition.

Le jour même de l'officialisation de la dissolution de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), figure de proue de la résistance aux généraux, quelque 25 de ses cadres ont décidé de poursuivre le combat politique sous une autre étiquette.

«La LND est finie mais nous poursuivrons son travail inachevé en lui conservant notre fidélité, ainsi qu'à Aung San Suu Kyi, même si personne ne nous a désignés», a déclaré à l'AFP Khin Maung Swe, ex-membre du comité central exécutif de la Ligue.

L'objectif est de faire enregistrer le parti avant la fin du mois, a-t-il ajouté. Mais son nom définitif n'a pas été choisi et la décision de participer ou non au scrutin n'a pas été officiellement prise.

Les législatives sont prévues fin octobre ou début novembre. Qualifiées de «mascarade» par des dirigeants occidentaux et une bonne partie de la communauté internationale, ces élections sont les premières depuis celles que la LND avait très largement remportées en 1990, sans jamais être autorisée à accéder au pouvoir.

La Ligue avait annoncé fin mars qu'elle boycotterait le scrutin. Une participation l'aurait obligée à exclure de ses instances la lauréate du prix Nobel de la paix, en résidence surveillée, ce à quoi elle s'est refusée. Faute d'être inscrite, elle a été automatiquement dissoute.

«La LND n'est plus un parti politique enregistré», a confirmé un responsable gouvernemental sous couvert de l'anonymat.

Vendredi, son siège délabré dans le centre de Rangoun était cependant encore ouvert, selon des témoins.

La disparition du paysage politique de la LND, fondée en 1988 et qui a tenu tête depuis au régime militaire, laisse un vide immense. Et la décision de ses cadres de boycotter les élections a suscité de très vifs débats.

«Nous ne pouvons pas (participer à ces élections), (...) nous qui avons passé ces vingt dernières années enchaînés dans les prisons de la junte», justifiait jeudi Win Tin, co-fondateur de la LND.

Mais après deux décennies de harcèlement et d'oppression, l'opposition birmane est désormais à genoux.

Et une partie des membres du parti dissous, notamment la jeune génération, contestait la ligne dure adoptée par les cadres historiques, des octogénaires usés par les années de détention et que leurs détracteurs jugent déconnectés de la réalité.

«Je crois aux partis politiques, je soutiens ceux qui veulent travailler pour le peuple et je considère que les partis politiques doivent exister», a soutenu Khin Maung Swe.

Un porte-parole de la LND a dit que la décision de ses anciens compagnons de créer un autre parti relevait de leur «choix personnel». «Mais ils devraient obéir formellement à la décision unanime de la LND» de boycotter les élections, a-t-il estimé.

Au delà du risque de scission au sein du principal parti de l'opposition démocratique, l'enjeu sera pour la nouvelle formation de s'inventer une légitimité, une aura, un statut, sans pouvoir s'appuyer sur l'incontestable figure d'Aung San Suu Kyi, 64 ans.

Un défi quasiment insurmontable, aux yeux de certains analystes.

«Au moins, quand la LND était active, elle était au coeur des espoirs et idéaux populaires», souligne Trevor Wilson, ancien ambassadeur australien en Birmanie. «Les gens ont vraiment mis leurs espoirs entre les mains de la LND et d'Aung San Suu Kyi et, maintenant, ils n'ont plus personne».

«Ce processus électoral va devenir progressivement de moins en moins crédible».