Les manifestants thaïlandais ont affiché dimanche leur détermination à lutter jusqu'au bout pour obtenir le départ du premier ministre, au lendemain de violents affrontements avec les militaires à Bangkok, qui ont fait au moins 21 morts et 800 blessés.

Ces batailles de rue, consécutives à l'instauration mercredi de l'état d'urgence, ont été les plus meurtrières en près de vingt ans dans le royaume secoué par des crises politiques à répétition depuis le milieu des années 2000 et paralysé par une division chaque jour plus profonde de la société. «Nous demandons au premier ministre Abhisit Vejjajiva de démissionner immédiatement et de quitter le pays», a déclaré Nattawut Saikuar, l'un des leaders de l'opposition.

«Guerre civile», «Bain de sang», «Notre heure la plus sombre», ont titré les quotidiens dimanche pour résumer la tournure dramatique prise la veille par la crise.

Le dernier bilan des services de secours faisait état de la mort de dix-sept civils, dont un caméraman japonais de l'agence Reuters, et de quatre soldats. Au moins 825 personnes, dont environ 200 militaires, ont été blessées.

Ces affrontements ont fait suite à près d'un mois de manifestations pacifiques des «chemises rouges», nom donné aux partisans de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, contraint de quitter le pouvoir en 2006 après un putsch militaire et des accusations de corruption.

Les «rouges» réclament des élections législatives anticipées et considèrent Abhisit, à la tête du gouvernement depuis décembre 2008, comme illégitime.

Ce dernier refuse de démissionner. «Moi et mon gouvernement continuerons de travailler pour régler la situation», a déclaré Abhisit, évoquant «une enquête indépendante» pour désigner les responsables des violences.

Un cadre de l'opposition a appelé le roi Bhumibol, immensément révéré dans le pays, à intervenir. «Quelqu'un va-t-il informer le roi que ses enfants ont été tués au milieu de la rue sans justice?», a lancé Jatuporn Prompan.

Le plus ancien monarque en exercice dans le monde, âgé de 82 ans, est hospitalisé depuis septembre et n'est pas intervenu publiquement dans cette crise.

Après une journée de dimanche sans violences, plusieurs centaines de personnes ont participé à une cérémonie en hommage aux civils tués. Seize cercueils rouges ont été portés au milieu de sympathisants agitant des drapeaux thaïlandais et priant.

Dans un message sur son site Twitter, Thaksin a présenté ses condoléances aux victimes. «Je voudrais demander au gouvernement et à l'armée de se souvenir que les +chemises rouges+ sont aussi des Thaïlandais», a-t-il écrit.

Selon les secours, la majorité des victimes ont été tuées par balle.

Les «rouges» ont accusé les militaires d'avoir utilisé des «armes de guerre» contre «des manifestants désarmés». Mais des témoins ont indiqué que des opposants avaient également eu recours à des armes à feu et à des engins incendiaires.

Le gouvernement s'est défendu en affirmant que les militaires n'avaient pas tiré de balles en direction des manifestants.

Les «rouges» ont remporté un succès dimanche en obtenant le rétablissement du faisceau de leur télévision, la Chaîne du peuple (PTV), qui avait été coupé par le pouvoir après l'instauration de l'état d'urgence.

Un mois après le début du mouvement, l'épreuve de force devrait se poursuivre cette semaine, notamment dans le quartier commercial et touristique de Ratchaprasong, occupé par les manifestants depuis neuf jours. «Nous ne partirons pas avant d'avoir gagné», a averti l'un d'eux, Bundit Raungpradit, 53 ans.