Le Kirghizstan a marqué vendredi une journée de deuil pour les victimes des affrontements sanglants qui ont renversé Kourmanbek Bakiev dans la crainte de nouveaux troubles, le président déchu refusant toujours de jeter l'éponge.

Plusieurs milliers de personnes se sont recueillies sur la place centrale de Bichkek, face au siège de la présidence et du gouvernement, épicentre des affrontements de mercredi, en mémoire des 76 personnes tuées, selon le bilan officiel.

En visite dans un hôpital, le chef du gouvernement intérimaire, Rosa Otounbaïeva, a mis en garde contre de nouveaux troubles.

«Dans le sud, les partisans de Bakiev essaient de le faire revenir au pouvoir», a-t-elle déclaré à des journalistes.

Un rassemblement populaire avec des partisans du pouvoir déchu et des nouvelles autorités est prévu samedi à Djalal-Abad (sud), fief du président évincé, Kourmanbek Bakiev.

«Nous allons écouter le discours des partisans de M. Bakiev et nous déciderons alors quoi faire», a déclaré Mme Otounbaïeva.

Mme Otounbaïeva, qui a promis d'organiser des élections «démocratiques» dans les six mois, a par ailleurs rejeté toute négociation avec le chef de l'État évincé.

M. Bakiev, réfugié à Djalal-Abad, a pour sa part réfuté, dans une interview exclusive à l'AFP, toute responsabilité dans les affrontements, affirmant qu'il n'avait pas «donné l'ordre de tirer».

Il s'est également dit «prêt à négocier» avec l'opposition pour «éviter une guerre civile».

M. Bakiev était lui-même arrivé au pouvoir en mars 2005 à l'issue d'une révolution émaillée de violences. Mais il s'est rapidement rendu impopulaire, par son régime autoritaire, clientéliste et corrompu, alors que ce petit pays d'Asie centrale restait plongé dans la misère.

Le gouvernement par intérim a annoncé vendredi le gel du système bancaire accusant la famille de M. Bakiev d'avoir vidé les coffres de l'État.

«Nous avons gelé le système bancaire, nous craignons que les banques, sous contrôle de Bakiev, ne sortent les fonds du pays», a expliqué vendredi Edil Baïssalov, le chef de cabinet de Rosa Otounbaïeva.

Selon lui, il ne reste qu'un équivalent de 16 millions d'euros.

Le gouvernement provisoire a également annoncé vendredi que des poursuites avaient été engagées contre Janych Bakiev, le frère du président déchu et chef de sa garde présidentielle, qui aurait donné l'ordre de tirer mercredi sur les manifestants.

Dans cette atmosphère toujours tendue, l'Union européenne et l'OSCE ont annoncé l'envoi de leurs émissaires pour chercher une solution à la crise.

La stabilité dans cette ex-république soviétique est notamment importante pour les États-Unis, qui y disposent d'une base militaire essentielle pour les opérations militaires en Afghanistan.

M. Bakiev avait conclu avec Washington un accord sur le maintien de cette base, très mal vue par les autorités russes, après avoir menacé de la fermer. Dès lors, certains on vu la main de Moscou derrière sa chute.

Mme Otounbaïeva a confirmé vendredi le maintien de cette base, démentant des informations contraires publiées dans la presse internationale. «Nous n'allons pas toucher à la base, les accords existants restent en vigueur», a-t-elle déclaré.

Le numéro deux du gouvernement provisoire du Kirghizstan, Almazbek Atambaïev, s'est envolé vendredi pour Moscou pour demander une aide économique à la Russie, dont le premier ministre russe, Vladimir Poutine, avait promis la veille une une assistance «humanitaire» aux nouvelles autorités kirghizes.Moscou dispose aussi d'une base aérienne près de Bichkek, à quelques kilomètres seulement de l'aéroport ou sont stationnés les militaires américains.