Le gouvernement par intérim issu du soulèvement sanglant au Kirghizistan a promis jeudi l'organisation d'une élection présidentielle dans les six mois, mais le président évincé Kourmanbek Bakiev, réfugié dans son fief du sud du pays, a refusé de démissionner.

Rosa Otounbaïeva, ex-ministre des Affaires étrangères et chef du gouvernement par intérim installé à l'issue du soulèvement qui a fait de 75 à 100 morts et un millier de blessés mercredi, selon différentes sources, a également annoncé que le Parlement allait être dissous.

«Le pouvoir est sous le contrôle du gouvernement provisoire. Ce système politique va fonctionner pendant six mois pour préparer une nouvelle Constitution et organiser une élection présidentielle conforme à toutes les règles démocratiques», a déclaré Mme Otounbaïeva à la presse.

Mais M. Bakiev, 60 ans, lui-même porté au pouvoir par une révolution sanglante en 2005 avant d'être lâché par ses alliés qui dénonçaient sa dérive autoritaire, son népotisme et une corruption généralisée dans ce pays très pauvre d'Asie centrale, s'est refusé à abandonner la partie.

«Je déclare qu'en tant que président je n'ai pas démissionné et je ne démissionne pas», a-t-il fait savoir par communiqué. Mais il a dû reconnaître que l'armée et les forces de l'ordre s'étaient rangées aux côtés du nouveau pouvoir, après avoir ouvert le feu sur les manifestants mercredi.

Un peu plus tard, M. Bakiev confirmait sur les ondes de la radio russe Echo de Moscou qu'il se trouvait «dans le sud» du Kirghizistan, sa région d'origine, et n'avait «pas l'intention» d'en partir.

Alors que Mme Otounbaïeva l'avait accusé de chercher à mobiliser ses partisans depuis Jalal-Abad, sa ville natale, ces déclarations inquiètent dans un pays d'une grande importance géostratégique, mais traditionnellement divisé entre la population du nord, réputée plus riche et plus urbaine, et du sud, plus rurale et conservatrice.

Car l'ex-république soviétique d'Asie centrale, plongée depuis des années dans des crises politiques à répétition, abrite une base militaire américaine essentielle pour les opérations en Afghanistan, mais aussi une base russe. Et la rivalité russo-américaine s'est fait sentir plusieurs fois ces dernières années sur le terrain kirghiz.

Dès jeudi, le premier ministre russe Vladimir Poutine a offert une aide «humanitaire» lors d'un entretien téléphonique avec Mme Otounbaïeva, a indiqué le porte-parole du chef de gouvernement russe.

Moscou a aussi annoncé avoir envoyé 150 parachutistes vers sa base de Kant, près de Bichkek, afin officellement d'assurer la sécurité des familles des militaires russes.

De son côté, Washington qui s'était dit mercredi «très préoccupé» par les violences, a assuré jeudi que le ravitaillement des troupes en Afghanistan était «peu affecté».

Mme Otounbaïeva avait donné des assurances en déclarant que le fonctionnement de la base de Manas, près de Bichkek, par laquelle transitent la plupart des soldats américains déployés en Afghanistan, n'était pas compromis.

«Rien ne va changer» concernant l'accord sur cette installation signé par M. Bakiev et les États-Unis, a-t-elle assuré.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a quant à lui appelé à «assurer l'ordre constitutionnel» et annoncé l'envoi d'un émissaire.

Après les violences et pillages qui ont accompagné le soulèvement, les nouvelles autorités ont appelé au calme. Et autorisé les forces de l'ordre à tirer sur les pillards.

Le siège du gouvernement, le domicile de M. Bakiev et la présidence ont notamment été saccagés mercredi. Des centaines de personnes s'y trouvaient encore jeudi après-midi, pillant les locaux et jetant les dossiers par les fenêtres brisées de l'immeuble.