Quelque 60 000 manifestants défilaient samedi à travers un quartier touristique du centre de Bangkok, dans une nouvelle épreuve de force avec le premier ministre thaïlandais dont ils réclament depuis trois semaines la démission.

Les touristes étrangers regardaient avec surprise mais sans crainte ce nouveau défilé des «chemises rouges», partisans de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, qui exigent la tête d'Abhisit Vejjajiva et l'organisation d'élections anticipées.

Le mouvement, toujours solide après une vingtaine de jours de lutte et malgré une chaleur écrasante, s'est concentré cette fois sur un carrefour majeur de Bangkok où sont établis des hôtels de luxe, des centres commerciaux et un célèbre lieu de prière, le sanctuaire d'Erawan.

Les «rouges», qui s'appuient notamment sur les paysans du nord et du nord-est de la Thaïlande, accusent Abhisit de servir les élites traditionnelles de Bangkok et exigent son départ immédiat. Mais le premier ministre, soutenu par l'armée et une coalition parlementaire, n'a pour l'instant évoqué qu'une possible démission en fin d'année.

«Nous n'acceptons pas qu'Abhisit conserve le pouvoir neuf mois de plus», a déclaré Korkaew Pikulthong, un des cadres de l'opposition.

«La dissolution est l'issue politique à la crise la plus adaptée, car c'est une solution sans violence et qui n'avantage ni ne désavantage personne», a renchéri un autre leader «rouge», Veera Musikapong.

Cette manifestation est intervenue au lendemain d'un mouvement de protestation initié par l'industrie touristique qui demande un règlement rapide de la crise pour permettre au secteur, riche pourvoyeur de devises étrangères, de reprendre une activité normale.

«Je comprends ce qu'ils font. Je n'ai pas peur parce que je viens chaque année», a expliqué Adolf Gutounik, un Allemand de 57 ans. «Je ne pense pas que beaucoup de touristes vont aimer ça en arrivant à Bangkok», pronostiquait pour sa part Selina Poh, une Singapourienne de 34 ans.

Le pays est constamment secoué par les mouvements des «rouges» et de leurs adversaires royalistes et anti-Thaksin, les «chemises jaunes», un signe de la profonde fracture qui divise le royaume depuis 2006.

L'an passé, des manifestations des «rouges» avaient fait deux morts et plus de 120 blessés. Fin 2008, les «jaunes» avaient bloqué les aéroports de Bangkok pendant neuf jours, piégeant des centaines de milliers de touristes.

Après un sommet à 100 000 personnes le 14 mars, les «rouges» étaient 60 000 à la mi-journée samedi, selon la police qui estimait que ce chiffre risquait encore d'augmenter.

Les embouteillages paralysaient le quartier et plusieurs centres commerciaux avaient préféré fermer leurs portes, tandis que les forces de l'ordre tentaient de négocier avec les manifestants pour fluidifier la circulation.

«Plus ils bloquent les routes, plus ils agacent les gens et les hommes d'affaires», a regretté le porte-parole du gouvernement, Panitan Wattanayagorn.

L'opposition réclame le retour à l'ordre constitutionnel en vigueur avant le coup d'État militaire de 2006 contre Thaksin, qu'ils considèrent comme le seul homme politique à s'être jamais préoccupé du sort des masses rurales.

L'ancien magnat des télécommunications est en revanche détesté par l'establishment qui dénonce son affairisme, son népotisme et la «menace» qu'il représente contre la monarchie.

Thaksin vit en exil depuis 2008 pour échapper à une peine de prison pour malversations financières. Depuis le début du mouvement, il s'adresse tous les soirs à ses partisans par vidéo conférence.