L'étiquette rock chinoise Modern Sky devait organiser un festival de musique à Pékin, du 4 au 7 octobre derniers. Les groupes Buzzcocks, Futureheads et The International Noise Conspiracy étaient notamment à l'affiche, de même que des formations chinoises.

Mais seulement trois jours avant le début du Modern Sky Festival, la présence des 14 groupes étrangers a été annulée. Aucune raison officielle n'a été donnée. C'était toutefois une décision du gouvernement et non des organisateurs.

 

Apparemment, l'État jugeait que la participation des groupes non chinois n'était pas de mise alors que le pays célébrait le 60e anniversaire du régime communiste.

L'an dernier, le gouvernement chinois avait empêché Oasis de se produire en Chine, car Noel Gallagher avait fait partie d'un concert pour la libération du Tibet en 1997. Quelques mois avant, Björk avait crié «Tibet» durant un concert à Shanghai et le gouvernement n'avait vraiment pas apprécié.

Les artistes chinois doivent créer avec l'appréhension d'être censurés. C'est difficile à imaginer quand on visite les quartiers artistiques de Pékin ou de Shanghai. Nous avons l'impression d'être dans la quintessence de la création. À Pékin, nous avons pris un café à côté d'une chorégraphe des Pays-Bas qui s'entretenait avec un danseur hip-hop chinois avec l'aide d'un interprète.

Mais ces zones - le Space 798 de Pékin et le secteur Moganshan de Shanghai - sont financées par le gouvernement. «C'est un couteau à double tranchant pour les artistes de tous nous réunir au même endroit, car c'est un moyen pour le gouvernement de nous surveiller», nous a confié en gardant l'anonymat une jeune femme de 21 ans qui tient un atelier-boutique dans le Space 798.

Son copain a eu des ennuis avec les autorités, car ses oeuvres ne plaisaient pas au Parti communiste. Des amis du couple ont aussi été arrêtés, parce que leurs oeuvres faisaient référence à de «l'information sensible». Certains artistes sont fichés, nous ont-ils dit.

Mais la jeune femme tient à rester en Chine pour défendre son art. «Si je ne reste pas, qui va le faire?»

Entre tradition et modernité

En visitant les galeries d'art, nous avons tout de même vu des oeuvres qui contestent le régime de Mao Zedong. De nombreux artistes s'inquiètent de leur côté des bouleversements trop rapides qui secouent la Chine. Leurs oeuvres font état du choc entre la tradition et la modernité.

Dans son exposition intitulée Wandering While Young, un jeune artiste de 27 ans présentait dans chacune de ses peintures un garçon avec un parapluie. Un parapluie qui représente un abri pour les jeunes qui sont pris entre le désir du luxe et les cloisons du passé. «Ce pays qui change si vite est comme un magicien (...). Nous, les jeunes, nous n'avons pas vécu de remous historiques (...). Nous adorons la mode et nous faisons confiance à la technologie. La culture traditionnelle nous est étrangère.»

Dans une autre exposition intitulée Now Shanghai, une peintre de 50 ans expliquait dans sa brochure que l'attitude des Chinois «par rapport au passé a changé» et que «les gens deviennent plus à l'aise à l'égard du passé». Mais le passé est un «spécimen scientifique», conclut-elle.