Un haut responsable de l'ONU a quitté Rangoun vendredi après une visite de cinq jours consacrée aux droits de l'Homme en Birmanie, en évoquant sa profonde déception de s'être vu refuser par le régime militaire une rencontre avec l'opposante Aung San Suu Kyi.

L'Argentin Tomas Ojea Quintana, rapporteur de l'ONU sur les droits de l'Homme en Birmanie, n'a pu que constater son échec à convaincre la junte au pouvoir d'assouplir sa position, à quelques mois d'élections aux dates encore inconnues et dont la crédibilité est plus que jamais sujette à caution.

«Je regrette vivement que ma requête spéciale de rencontrer Mme Aung San Suu Kyi n'ait pas été accordée (...). Je suis déçu», a déclaré l'émissaire de l'ONU avant de partir pour Bangkok.

«Je suis déçu de n'avoir pas pu la rencontrer cette fois-ci, en cette période cruciale d'année électorale, les premières élections en vingt ans», a-t-il insisté.

Vendredi matin, M. Quintana s'est rendu à Naypyidaw, la nouvelle capitale du pays. Il a été reçu par les ministres des Affaires étrangères Nyan Win et de l'Intérieur Maung Oo. Mais il a été snobé par le généralissime Than Shwe, numéro un de la junte, connu pour son aversion de la diplomatie et qui n'avait pas daigné recevoir, l'an passé, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

Le diplomate argentin comptait en revanche fermement rencontrer Mme Suu Kyi. La junte, habituée à réserver aux Nations unies un accueil des plus froids, n'a rien voulu entendre.

À défaut, il a pu s'entretenir avec des proches collaborateurs de l'opposante, notamment Tin Oo, numéro deux de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), libéré il y a une semaine à peine, ainsi qu'avec des détenus.

Les élections ont manifestement occupé une place de choix dans son programme. Plusieurs chancelleries ont récemment souligné combien la libération de Mme Suu Kyi et des quelque 2 100 prisonniers politiques du pays était essentielle à la crédibilité d'un scrutin dont l'opposante demeure, de toute façon, exclue par la Constitution de 2008.

Mais là encore, M. Quintana est reparti sur un constat d'échec. «Il n'y a à ce stade ni date, ni loi sur les élections», a-t-il expliqué.

«Je n'ai reçu aucune indication que le gouvernement avait la volonté de libérer les prisonniers de conscience. Le gouvernement (...) n'accepte pas le fait qu'il (en) détienne», a-t-il ajouté en réclamant la «libération immédiate» de la prix Nobel de la paix.

La Cour suprême doit se prononcer prochainement sur la requête que cette dernière a déposée contre sa condamnation en août à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence. Si elle purgeait sa peine actuelle, elle pourrait être libérée en novembre après avoir passé plus de 14 des 20 dernières années privée de liberté.

L'opposante ne s'est pas encore prononcée sur une participation de son parti à la consultation. La LND avait largement remporté les élections de 1990 mais n'a jamais été autorisée à exercer le pouvoir.

M. Quintana a par ailleurs évoqué le cas des minorités ethniques du pays, dont certaines sont en conflit armé avec la junte.

«La participation complète (aux élections) requiert que les voix de toutes les minorités soient entendues. Les élections seront une occasion pour le gouvernement d'améliorer les droits de l'Homme», a-t-il affirmé.

La présence de l'émissaire onusien toute cette semaine n'aura en tout cas pas ralenti l'activité des tribunaux.

Lundi, quatre femmes accusées de trouble à l'ordre public ont été condamnées à deux ans de travaux forcés. Mercredi, selon l'opposition, un moine bouddhiste s'est vu infliger sept ans de prison, énième victime de la répression contre les religieux depuis la «révolte safran» de 2007.