Le Sri Lanka a opté mercredi pour la stabilité en réélisant son président au sortir de la guerre contre la rébellion séparatiste tamoule mais selon les analystes, les résultats témoignent de tensions ethniques encore vives qui pourraient de nouveau déchirer l'île.

Mahinda Rajapakse a remporté haut la main un second mandat avec 57,9% des suffrages contre son ex-chef des Armées Sarath Fonseka en dépit des critiques à l'étranger sur de possibles violations des droits de l'homme lors du conflit armé et des accusations de népotisme et de corruption de son administration. Tandis que la majorité cinghalaise du pays (74% de la population) politiquement scindée en plusieurs tendances, a plébiscité un second mandat de Rajapakse, les Tamouls (18% des Sri Lankais) concentrés dans le nord et le nord-est de l'île ont massivement voté pour son principal rival.

Dans les provinces du nord, les deux-tiers des électeurs ont mis dans l'urne un bulletin de Sarath Fonseka.

Dans ses premières déclarations, le président réélu a envoyé un message de conciliation à la minorité tamoule ainsi qu'aux pays étrangers qui ont commencé l'an dernier à critiquer la gestion du conflit contre les rebelles tamouls.

Selon les Nations unies, 7 000 civils tamouls ont été tués dans la dernière phase du vaste assaut militaire contre la guérilla des Tigres de libération de l'Eelam Tamoul (LTTE), considérée comme un groupe terroriste par le Sri Lanka et les pays occidentaux.

Rajapakse, 64 ans, avait convoqué cette élection présidentielle deux ans avant la fin de son premier mandat pour bénéficier dans les urnes de la victoire sur la rébellion, qui a lutté pendant trois décennies pour un territoire indépendant tamoul.

Selon les analystes, le chef de l'État va désormais devoir entendre les demandes politiques des Tamouls et faire en sorte que leur amertume après sa réélection ne déclenche pas une nouvelle insurrection.

«Les Tamouls ont exprimé leur colère sur la façon dont ils ont été traités après la guerre. Le président doit entendre clairement leur message et essayer de leur tendre la main», juge un commentateur politique et ancien secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Nanda Godage.

Quelque 300 000 réfugiés tamouls, déplacés pendant le conflit, ont été détenus jusqu'en décembre dans des camps sous le strict contrôle de l'armée.

Selon Victor Ivan, un analyste politique pour le magazine Ravaya, le «non» des Tamouls pour un second mandat montre aussi que les promesses de campagne sur les grands projets de reconstruction du pays n'ont pas porté leurs fruits.

«Cela souligne qu'ils ont des problèmes politiques plus fondamentaux», estime-t-il. «Dans cette période d'après-guerre, il peut y avoir un nouveau mécanisme politique pour partager le pouvoir. Il (le président) doit en faire une priorité sinon il pourrait y avoir de nouveaux troubles», prévient M. Ivan.

Sarath Fonseka -celui même qui avait commandé l'armée ayant maté la rébellion- était considéré par des dizaines de Tamouls, interrogés par l'AFP le jour du vote mardi, comme plus ouvert à leur égard. La principale coalition tamoule lui avait d'ailleurs apporté son soutien pendant la campagne.

Contrairement à ce que prédisaient les observateurs, les Tamouls n'ont pas été «les faiseurs de roi» de cette élection, la majorité cinghalaise ayant tranché pour «le faucon», comme est parfois surnommé Mahinda Rajapakse.