Le Sri Lanka tiendra ses premières élections générales en quelque 30 ans le 26 janvier. Le président sortant, Mahinda Rajapakse, espérait profiter de sa victoire contre les Tigres tamouls pour remporter un deuxième mandat haut la main. Mais voilà que l'homme qui a dirigé l'offensive finale de la guerre, Sarath Fonseka, lui fait de l'ombre. Beaucoup d'ombre.

Candidat à la présidence du Sri Lanka, le général Sarath Fonseka ne s'en cache pas: il ne connaît pas grand-chose à la politique. Il se fait plutôt un point d'honneur de rappeler qu'il a passé la grande majorité de ses 40 ans de carrière militaire à combattre les Tigres tamouls. Une bataille qui a fait 100 000 morts.

Fier de son passé militaire - il pose en uniforme sur sa page Facebook - le général veut cependant s'imposer aujourd'hui comme le candidat de la paix. Appartenant à la majorité cinghalaise, le bouddhiste de 58 ans promet que, s'il est élu la 26 janvier, il négociera pacifiquement avec les Tamouls, la plus grande minorité du pays, majoritairement hindoue.

Cette position en a surpris plus d'un. Non seulement le général Fonseka a combattu pendant trois décennies les Tigres de libération de l'eelam tamoul (LTTE), mais il était le chef d'état-major l'an dernier à l'occasion de l'offensive finale de l'armée contre les rebelles séparatistes.

Ses troupes n'ont alors reculé devant aucune récrimination de la communauté internationale, qui s'inquiétait du sort des milliers de civils tamouls pris en étau entre les belligérants. Selon les Nations unies, plus de 7000 civils ont péri en quatre mois.

Bataille de lauriers

La fin du conflit d'un quart de siècle en mai dernier a sonné pour le général le début d'une nouvelle lutte. Après avoir travaillé ensemble pour venir à bout des Tigres tamouls, l'actuel président du Sri Lanka, Mahinda Rajapakse, et son chef d'état-major se disputent le mérite de la victoire.

Quand M. Rajapakse a «remercié» son chef d'état-major en le nommant à un poste protocolaire, dépourvu de pouvoir, Sarath Fonseka a démissionné et s'est lancé dans la course à la présidence. Rapidement, une partie importante des électeurs cinghalais lui ont accordé leur soutien.

Pour gagner plus de points, le général retraité s'est ensuite tourné vers un électorat qui était loin de lui être acquis: la minorité tamoule.

Dénonçant le bilan du gouvernement de son rival, il a dit en public juste avant Noël que le frère du président, Gotabhaya Rajapakse, avait ordonné aux troupes d'exécuter les rebelles des Tigres tamouls s'ils se rendaient. Une vidéo, qui circule depuis cette semaine sur l'internet, prouve que de telles exactions ont eu lieu (voir capsule).

Du sang sur les mains

Plusieurs ont vu dans la confession du général et l'attribution des crimes de guerre aux politiciens une manière de se disculper des allégations qui pèsent contre lui.

Néanmoins, cette semaine, à la surprise générale, l'ancien militaire a reçu l'appui de l'Alliance nationale tamoule (TNA). Principal parti politique tamoul, détenant 22 sièges au Parlement, le TNA est en quelque sorte l'aile politique des Tigres tamouls.

En annonçant son appui, le leader du parti, Rajavarothayam Sambathan, a précisé que les deux principaux candidats à la présidence ont du sang sur les mains mais que sa formation était prête à tout faire pour que Rajapakse n'obtienne pas un second mandat.

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Crimes de guerre au Sri Lanka?

Depuis des mois, des organisations des droits de la personne tentent d'obtenir une enquête sur les présumés crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis pendant les derniers mois du conflit qui a opposé l'armée sri-lankaise aux Tigres tamouls. Une vidéo où l'on voit un soldat exécutant un rebelle appuie leur thèse. Les autorités ont affirmé que la vidéo était une fabrication, mais des tests par des experts pour les Nations unies en ont confirmé l'authenticité jeudi. Hier, l'ONU a fait pression sur le président du Sri Lanka, Mahinda Rajapakse, lui demandant d'autoriser la tenue d'une enquête.