Un peu plus de trois mois après le plus grand changement politique qu'ait connu le Japon depuis un demi-siècle, la lune de miel touche à sa fin entre le premier ministre de centre-gauche Yukio Hatoyama et les électeurs déçus par les promesses non tenues.

Héritier d'une puissante dynastie politico-industrielle, M. Hatoyama a remporté une large victoire aux élections législatives de fin août grâce à un programme de réformes sociales ambitieuses, mettant fin à 54 ans de domination des conservateurs du Parti libéral-démocrate sur le Japon.

Toutefois, à l'approche vendredi de son centième jour au pouvoir, le premier ministre est contesté dans les médias et dans les sondages qui lui reprochent son indécision et son manque de poigne.

Crédité d'un taux de popularité de plus de 70% dans les jours qui ont suivi la formation de son gouvernement, cet ingénieur formé à l'université américaine de Stanford n'est désormais soutenu que par moins de 50% des Japonais, selon les dernières enquêtes d'opinion.

«Si Hatoyama ne met pas en oeuvre quelques mesures concrètes d'ici aux élections sénatoriales de juillet, il risque de voir les électeurs se retourner contre lui», a estimé Tetsuro Kato, professeur de sciences politiques à l'université Hitotsubashi de Tokyo.

La presse accuse M. Hatoyama d'avoir détérioré les relations avec les États-Unis, principal allié du Japon, en remettant en cause un accord conclu en 2006 sur le déménagement d'une base militaire américaine, sans parvenir pour l'instant à offrir une solution de rechange.

Il est également critiqué pour avoir renoncé à plusieurs promesses de campagne, dont la suppression de la taxe sur les carburants.

«C'est vraiment un début très, très brouillon», a relevé Noriko Hama, économiste à la Doshisha Business School de Kyoto. «Le programme général est excellent, mais la gestion quotidienne est une vraie pagaille.»

M. Hatoyama, qui a pris ses fonctions à la mi-septembre, est par ailleurs soupçonné d'avoir «omis» de déclarer des millions de dollars de dons politiques versés par sa mère, héritière du fabricant de pneus Bridgestone, au cours des dernières années.

«L'opinion publique ne se montrera pas magnanime si les gens pensent que l'argent lui a servi à acheter son élection», a commenté Yoshinobu Yamamoto, professeur de sciences politiques à l'université Aoyama Gakuin de Tokyo.

Les cent jours de M. Hatoyama n'ont toutefois pas été totalement infructueux.

L'une de ses priorités a été de mettre un frein au processus de privatisation des services postaux engagé par les conservateurs.

Il a également taillé dans les dépenses publiques, en annulant les projets jugés inutiles, comme la construction de dizaines de barrages, afin de pouvoir financer le versement d'allocations aux familles les plus pauvres.

La tâche du premier ministre est rendue difficile par la présence, au sein de son gouvernement de coalition, de deux petits partis politiques qui lui sont indispensables pour conserver la majorité au Sénat, au moins jusqu'aux élections de juillet 2010.

Il doit en outre résister aux pressions d'Ichiro Ozawa, le tout-puissant secrétaire général de sa formation, le Parti démocrate du Japon. Cet homme politique chevronné aurait dû logiquement occuper le poste de premier ministre, s'il n'avait pas été éclaboussé en mai par un scandale de financement occulte.

Selon un récent sondage publié par l'agence de presse Jiji, plus de 70% des personnes interrogées se déclarent convaincues que M. Ozawa est celui qui contrôle de facto le gouvernement.