Les expropriations immobilières sont de nouveau la cible des critiques en Chine après des immolations de propriétaires poussés à l'extrême pour tenter de protéger leurs maisons.

Le mois dernier, Tang Fuzhen, 47 ans, s'est aspergée d'essence avant de mettre le feu à ses vêtements à Chengdu, dans la capitale du Sichuan. Elle tentait d'empêcher des policiers municipaux de détruire sa maison, déclarée illégale par les autorités locales.

Hospitalisée dans un état critique, elle est morte 16 jours après, mais son cas a remis sur la place publique le sujet sensible des expropriations immobilières et leur lot d'injustices et de violences.

Les photos et la vidéo de la tragédie ont circulé sur l'Internet et choqué le pays.

Dans un quartier de Pékin, en début de semaine, un homme s'est également immolé par le feu pour la même raison. Il a cependant échappé à la mort.

Beaucoup de Chinois, sous la menace d'évictions, n'hésitent pas à recourir à ces actions de plus en plus extrêmes pour exprimer leur refus d'indemnisations jugées trop faibles et des méthodes expéditives des autorités locales.

Ces dernières sont responsables de la propriété et de la gestion des terres dans le système communiste chinois, mais elles sont souvent accusées de collusion avec les promoteurs.

Pour les autorités locales, les revenus du foncier constituent une composante essentielle de leur budget, faute d'autres ressources.

À Pékin, Zhong Boxin et sa fiancée Qin Rong, tous deux âgés de 28 ans, ont engagé un garde pour protéger leur restaurant sous la menace d'une destruction.

Le mois dernier, le couple s'est vu signifier par leur propriétaire qu'il devait quitter les lieux pour laisser la place à un projet immobilier. Leur contrat de location court pourtant encore sur un an et demi supplémentaire et ils ont dépensé 500.000 yuans (50.000 euros) pour ouvrir leur gargotte.

«Nous avons investi beaucoup d'argent dans ce restaurant et on nous offre aucune indemnisation», explique à l'AFP Zhong, qui travaille aussi dans une maison d'édition.

«Peu importe les méthodes qu'ils emploieront, l'intimidation, la force, nous ne partirons pas. C'est une manifestation silencieuse», ajoute-t-il.

À la campagne et dans les villes, ces dernières années, les expropriations ont conduit à la multiplication de familles qui résistent et s'accrochent à leurs maisons. Et les litiges dégénèrent souvent en conflits violents, ce qui a conduit le gouvernement central à agir.

En 2007, il a adopté la loi sur la propriété censée mieux protéger les droits des citoyens, mais le texte qui permet aux autorités locales d'exproprier au nom de l'intérêt public est toujours en vigueur.

Mercredi, un haut responsable du bureau des affaires légales du gouvernement, Gao Fengtao, a annoncé que le cadre légal des expropriations et indemnisations allait «connaître un changement fondamental», sans donner de détails.

Vendredi, le Quotidien de la jeunesse, organe de la Ligue de la jeunesse communiste, s'est inquiété de ce que les autorités locales s'empressent de réaliser «la dernière des folies» en procédant à toutes les évictions et destructions possibles avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles.

De son côté, le quotidien Les Nouvelles de Pékin a appelé à la suspension des programmes d'expropriation jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

«Les expropriations violentes ont démoli la confiance du peuple, nous ne pouvons plus supporter ce genre de risques», affirme un éditorial.