La population indienne de 1,16 milliard d'habitants devrait bientôt recevoir pour la première fois un numéro d'identité au terme d'une vaste opération controversée visant à réduire les lourdeurs administratives et améliorer la distribution des allocations.

Les Indiens peuvent aujourd'hui prouver leur identité en montrant soit leur permis de conduire, leur carte d'électeur, leur carte bancaire, leur passeport, ou des documents administratifs requis pour acheter une simple carte pré-payée de téléphone portable.

Le projet, calqué sur le modèle des chiffres de la sécurité sociale aux États-Unis, vise à établir une base de données sur Internet comportant des informations personnelles, les empreintes digitales et une photo d'identité de chaque citoyen du sous-continent.

À la demande du premier ministre Manmohan Singh, c'est le cofondateur du géant informatique indien Infosys, Nandan Nilekani, qui a été chargé de concrétiser ce rêve un peu fou dans un pays immense et chaotique.

«Nous espérons pouvoir fournir un numéro d'identité à 600 millions d'habitants d'ici 2014», avance M. Nikelani, qui vient de prendre la tête du nouvel organisme de l'Autorité indienne pour l'identité unique, sans se prononcer sur l'échéance finale de cette titanesque entreprise.

Selon lui, il s'agit un peu de «construire quelque chose à l'échelle de Google», le moteur de recherches américain ultra-performant du net.

À long terme, tous les nouveaux-nés recevront un numéro d'identité à 16 chiffres et il est aussi prévu d'ajouter à la base de données un scanner de l'oeil.

«Nous voulons un seul moyen d'identifier les gens, qui ne puisse pas être reproduit, et nous avons besoin d'un mécanisme qui nous permette d'authentifier n'importe où l'identité de chacun», résume M. Nilekani. «Une fois que vous donnez votre nom et mettez votre doigt sur un lecteur d'empreintes digitales, on sait si vous dites la vérité», explique-t-il.

Pour les partisans, cela permettra de réduire le travail administratif.

Mais d'autres considèrent l'entreprise d'un oeil critique, estimant impossible d'enregistrer précisément les données de millions d'Indiens et craignant que le gouvernement s'empare des informations personnelles.

«Je ne suis pas sûr que les populations rurales comprendront vraiment le système des 16 chiffres et des empreintes digitales. Il risque aussi d'être difficile de recenser tous les habitants» des États reculés, estime Sankay Kumar, du Centre d'étude pour les sociétés en développement, à New Delhi.

Les plus sceptiques se sont également emparés du coût de l'opération, estimé à plusieurs milliards de dollars: «C'est une blague !» raille Colin Gonzalves, un avocat spécialiste des droits de l'Homme.

«Un pays qui ne peut nourrir 70% de sa population lance une opération de ce genre. C'est tout bonnement un mécanisme de surveillance», avance-t-il.

Mais Arjun Sengupta, auteur d'une étude gouvernementale datant de 2007 selon laquelle 836 millions d'Indiens vivent avec moins de 20 roupies par jour (43 centimes de dollars), estime, lui, que les numéros d'identité devraient aider à lutter contre la pauvreté.

«Grâce à ces numéros, les aides parviendront aux plus démunis», espère-t-il.

Selon les chiffres du gouvernement, seuls 7% des Indiens ont un numéro permanent d'identification, utilisé pour collecter les impôts.