Le Vietnam envisage de mettre à l'amende des médias déjà censurés ou autocensurés en cas d'écrits aux accents de «propagande» contre le régime communiste ou contraires «aux intérêts du peuple».

Récemment soumis à consultation, un projet de directive du gouvernement énumère une série d'actes passibles de sanctions financières allant jusqu'à 40 millions de dongs (1500 euros). Certaines peuvent déjà conduire en prison. Parmi les infractions les plus taxées: la publication de contenus «non autorisés», d'oeuvres «interdites», «saisies» ou d'informations «non conformes à l'intérêt de la Nation»; des actes «de propagande» contre l'État, de «sabotage de l'unité nationale», la divulgation de «secrets du Parti», d'oeuvres niant les «acquis révolutionnaires» du pays.

Exploiter des documents liés à des enquêtes en cours, notamment de corruption, sans préciser leur origine peut coûter jusqu'à 20 millions de dongs.

Les médias étrangers ne sont pas épargnés, menacés d'amende en cas d'entorse aux «programmes» de travail supervisés par Hanoï. La loi encadre déjà les activités des correspondants, limités à des visas de six mois renouvelables et censés demander une autorisation pour tout reportage hors de la capitale.

Les journalistes ne sont pas les seuls visés. Pourraient être punies des conférences de presse improvisées ou la publication non autorisée de communiqués par des organisations internationales.

Quelques médias vietnamiens sont montés au créneau contre le texte. Pas vraiment sous forme d'éditoriaux, mais dans des articles appuyés par des experts. Dans son hebdomadaire anglophone, Thanh Nien a épinglé un texte visant «la mauvaise cible».

Le quotidien basé à Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon, sud) a, comme son concurrent Tuoi Tre, eu des démêlés avec la justice pour sa couverture d'un scandale majeur de corruption impliquant l'aide au développement.

Deux reporters de ces journaux, en pointe dans la révélation de l'affaire et jugés pour «abus des libertés démocratiques» en 2008, ont passé plusieurs mois derrière les barreaux. Leurs rédactions ont été décapitées.

Peu avant l'arrestation des journalistes, un ancien vice-ministre, plus haut responsable inquiété par la justice dans cette affaire, avait était blanchi.

Alors que commencent les préparatifs du XIe congrès du Parti communiste vietnamien, attendu début 2011, diplomates et défenseurs des droits de l'Homme ont récemment dénoncé un nouveau tour de vis contre les voix un peu critiques.

Parmi la population, certains pensent surtout que la situation est imputable au grand voisin du nord, l'allié idéologique chinois, qui dicterait ses ordres à Hanoï.

Dans des procès à la chaîne, neuf militants pro-démocratie ont écopé de prison ferme en octobre. Parfois pour une simple banderole qui appelait au multipartisme ou s'attaquait aux visées territoriales de Pékin dans des zones à la souveraineté controversée en mer de Chine du Sud.

La communauté Internet vietnamienne, souvent acerbe contre ces ambitions chinoises sur les archipels des Spratleys et Paracels, est aussi largement dans le collimateur des autorités.

Un célèbre blogueur, Huy Duc, a perdu son poste de journaliste pour une tribune contre le mur de Berlin et l'ex-URSS. Nguyen Tien Trung, informaticien-blogueur formé en France, militant pro-démocratie revendiqué, est en prison depuis son arrestation en juillet.