Un ministre birman s'est entretenu mercredi avec Aung San Suu Kyi, seconde rencontre en cinq jours entre un représentant de la junte et l'opposante après plus d'un an et demi sans aucun contact direct entre eux.

Aung Kyi, ministre du Travail et officier de liaison chargé des relations avec la «Dame» de Rangoun, s'est entretenu avec elle pendant 30 minutes, a indiqué à l'AFP un responsable birman sous couvert de l'anonymat. Tous deux s'étaient déjà rencontrés samedi, pour la première fois depuis janvier 2008, au lendemain du rejet de l'appel déposé par la lauréate du Prix Nobel de la paix, qui contestait sa condamnation en août à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence.

Ces deux entretiens consécutifs interviennent alors que Washington a repris la semaine dernière des discussions avec la junte, pour la première fois depuis plus de dix ans.

Ils semblent être le résultat d'un courrier envoyé par Mme Suu Kyi au généralissime Than Shwe, le premier du genre. L'opposante y expliquait comment, selon elle, la Birmanie pourrait bénéficier de la levée des sanctions occidentales.

Dimanche, le quotidien officiel New Light of Myanmar avait confirmé sur son site Internet que la première rencontre avait bien tourné autour de cette lettre.

L'opposante, qui a salué la décision de l'administration Obama de rouvrir le dialogue avec les militaires de Naypyidaw, a adouci son discours ces derniers mois et semble vouloir sortir de l'impasse dans laquelle se trouvent ses relations avec les militaires et, par voie de conséquence, celles entre la Birmanie et l'Occident.

«On peut voir de la volonté des deux côtés», a noté Win Min, militant pro-démocratie et chercheur à l'université de Chiang Maï, en Thaïlande, soulignant que si l'opposante avait effectivement «modifié sa position» à l'égard des sanctions, la junte semblait en retour légèrement mieux disposée à son égard.

«Ces rencontres sont différentes des précédentes, qui intervenaient sous haute pression internationale», a-t-il relevé. «Mais nous devons attendre de voir ce qui se passe. Je n'arrive pas à imaginer jusqu'où cela peut aller».

La junte a promis des élections en 2010, qui seraient les premières depuis celles de 1990. La Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Mme Suu Kyi avait remporté ce scrutin sans jamais être autorisée à exercer le pouvoir. Elle n'a pour l'instant pas décidé si elle participerait à la prochaine consultation.

Mais Mme Suu Kyi est pour l'instant écartée de l'arène politique par sa récente condamnation. Malgré ces deux rencontres, elle reste privée de liberté comme durant 14 des 20 dernières années.

Mercredi, les analystes appelaient de leurs voeux des signes supplémentaires de la part des militaires, attendant notamment de voir si l'opposante serait ou non autorisée à rencontrer des diplomates étrangers, comme elle en a fait la demande dans sa lettre à Than Shwe.

«En comparaison avec ce que l'on a vu ces dernières années, tout ceci est assez rapide», a admis David Mathieson, spécialiste de la Birmanie pour l'organisation Human Rights Watch (HRW).

Mais il a estimé nécessaire que Mme Suu Kyi puisse désormais s'entretenir avec de plus hautes personnalités de la junte. Et témoignait d'un scepticisme persistant à l'égard d'un des régimes de la planète les moins disposés à lâcher du lest à son opposition.

«Toute rencontre ne doit pas forcément être applaudie. Cela dépend de la sincérité du processus. Si c'est juste pour tromper la communauté internationale, cela ne sert à rien», a-t-il prévenu.