Chars dans les avenues fermées à la circulation, Chinois réquisitionnés par milliers pour défiler ou chanter à la gloire du pays, les préparatifs du 60e anniversaire de la Chine communiste ont mobilisé des foules immenses et perturbé la vie de Pékinois pas toujours à la fête.

Liu Tongbo a cherché désespérément un moyen de transport lorsque le centre était paralysé par les répétitions générales avec des chars militaires chargés de missiles ou allégoriques vantant les réalisations de la Chine en marche. «J'habite en banlieue et le métro ne s'arrête plus dans le centre, où je travaille, ça fait une demi-heure que je marche», grince cet homme d'affaires de 45 ans, alors que la ville vit son troisième jour de répétition.

Les Pékinois semblent avoir vécu, depuis des semaines, avec un mélange d'irritation et d'impatience les préparatifs d'un spectacle qui s'annonce grandiose.

Beaucoup se sont plaints des perturbations.

«J'ai passé deux heures à essayer de rentrer chez moi alors que j'étais coincée dans la partie sud de la ville et qu'il était interdit de traverser l'avenue Chang'an», qui traverse Pékin d'est en ouest, dit Melody, une Chinoise de 27 ans qui donne son nom en anglais.

Sur Chang'an défileront le 1er octobre quelque 200.000 militaires et «volontaires» étudiants, collégiens et danseurs.

Le long de cette voie immense, les grands hôtels ont été obligés de fermer pour quatre jours ou ne peuvent plus proposer les chambres avec vue sur l'avenue.

Ceux qui, comme Mélody, habitent le long du parcours, se sont vu interdire d'ouvrir leurs fenêtres quand passera la parade par des autorités obsédées par la sécurité.

«On ne peut pas aller sur le balcon et recevoir aucun invité du 30 septembre au 1er octobre», dit-elle.

Les artères de la mégapole de 17 millions d'habitants ont été pavoisées de drapeaux multicolores, de grosses lanternes rouges et de parterres de fleurs dont certains représentent le territoire chinois.

«La dernière fois qu'il y a eu un défilé militaire, c'était en 1999», rappelle Wang Tongyu, un étudiant, «j'avais juste 13 ans!».

«En regardant ça dix ans plus tard je verrai combien j'ai grandi, en même temps que mon pays», dit-il avec ferveur.

Sur le plan de la sécurité rien n'a été laissé au hasard, et les membres des forces de l'ordre sont déployés en plus grand nombre encore que lors des jeux Olympiques en août 2008.

Des détecteurs de métaux ont été installés dans les stations de métro du centre près de la place Tiananmen, les véhicules entrant dans la capitale sont vérifiés, la surveillance dans les aéroports et les gares renforcée.

La police fait des patrouilles armées de nuit afin que rien n'entache les célébrations censées mettre en lumière une Chine devenue troisième économie mondiale.

«C'est une manie chinoise - quand (les autorités) veulent faire quelque chose, elles le veulent à 100% et veulent garantir que rien ne se produise», dit Liu.

Mendiants et sans-abri ont dû quitter la ville et les ventes de couteaux ont été interdites à la suite d'agressions qui ont fait deux morts, justement dans le quartier le plus sécurisé de Pékin.

Même la population animale a fait l'objet d'attentions particulières, avec des séries d'«exterminations» de rats et de gros insectes place Tiananmen.

Le matin du jour J, les avions seront cloués au sol pendant trois heures à l'aéroport de Pékin, le temps du défilé, et la grande masse des Pékinois sera encouragée à rester chez elle pour regarder la fête... à la télévision.