En Inde, où les avantages en nature et les privilèges sont considérés comme des pièges traditionnels du pouvoir, le public assiste aujourd'hui à la concurrence peu commune que se livrent les ministres pour chasser le luxe et les excès.

Les difficultés des paysans indiens face à la pire sécheresse depuis 20 ans et la croissance économique fragilisée par la crise financière mondiale ont poussé la présidente du Parti du Congrès au pouvoir, Sonia Gandhi, à faire la guerre au gaspillage parmi les politiques. Après avoir demandé la semaine dernière à tous les responsables de son parti d'accepter pendant un an une baisse de salaire de 20%, Sonia Gandhi a voulu montrer l'exemple en voyageant en classe économique de New Delhi à Bombay.

Dans son sillage, son fils et probable successeur Rahul a, lui, délaissé l'hélicoptère pour se déplacer en train jusqu'à l'État du Penjab (nord).

Le ministre de l'Agriculture Sharad Pawar s'est également initié à la classe économique tandis que son collègue des Affaires étrangères S.M. Krishna, qui s'était fait sermonner par Sonia Ghandi pour avoir séjourné dans un hôtel cinq étoiles depuis son entrée au gouvernement en mai, a annoncé qu'il faisait une croix sur son jet privé de 14 places pour ses voyages à l'étranger.

Cet enthousiasme soudain pour de tels renoncements affichés publiquement a été accueilli avec une certaine dose de cynisme par les observateurs et les parlementaires de l'opposition.

Certains ont ainsi relevé qu'il contrastait singulièrement avec le tollé provoqué au sein du gouvernement lorsque le premier ministre Manmohan Singh présenta une série de mesures d'austérité portant notamment sur les déplacements des ministres, leurs dépenses en ameublement et les séminaires dans des hôtels de luxe.

L'imposant ministre des Energies alternatives, Farooq Abdullah, avait notamment argumenté que les sièges en classe économique ne lui laissaient pas assez de place pour ses jambes.

L'absence de transparence dans les dépenses publiques a longtemps nui à l'image du gouvernement dans un pays où se côtoient corruption endémique et extrême pauvreté.

Selon un récent communiqué du ministère des Finances, les dépenses des ministères et secrétariats d'État se montent à 175 milliards de dollars pour 2008-2009, contre 136 mds USD en 2006-2007.

Le principal parti d'opposition, Bharatiya Janata party (BJP), a qualifié le nouveau zèle des ministres de «gadget populiste» avant la tenue d'élections dans les États du pays le mois prochain.

Selon Rasheed Kidwai, analyste politique et auteur d'une biographie sur Sonia Gandhi, ces mesures d'austérité ont peu de portée. «Ces mesures seront en place pour un certain temps mais que se passera-t-il après ? Ce dont nous avons besoin, c'est d'un changement d'attitude sur la responsabilité fiscale», juge-t-il.

Le triomphe inattendu du Parti du Congrès aux élections législatives de mai avait été analysé comme le résultat de son discours en faveur de la lutte contre la pauvreté et certains observateurs voient la politique d'austérité engagée comme un geste politique «intelligent et nécessaire».

«C'est une question de perception du public. Si les gens ont l'impression que ceux au pouvoir sont sensibles à leurs souffrances, ils voteront de nouveau pour eux», analyse Anupama Jha, directrice de la branche indienne de l'organisation Transparency International.