En Inde, le procès du seul présumé terroriste à avoir survécu à l'attentat de Bombay de novembre dernier est suivi comme un feuilleton.

Cette semaine, l'affaire judiciaire a connu un rebondissement hors du commun quand l'accusé, à la plus grande surprise de ses avocats, a décidé de confesser son crime en long et en large.

 

«Mon voeu est que vous mettiez fin à ce procès et que vous me punissiez», a dit hier matin Mohammed Ajmal Amir Kasab devant une cour indienne mise sur pied pour le juger.

Âgé de 21 ans, le jeune Pakistanais fait face à 86 chefs d'accusation - dont ceux de meurtre, d'actes de guerre et de tentative de déstabilisation du gouvernement indien - pour avoir participé à l'attentat de Mumbai (ex-Bombay) qui a fait 170 morts, dont deux Montréalais. S'il est déclaré coupable, il est passible de la peine de mort.

Dans un témoignage qui a commencé lundi et s'est terminé hier, l'accusé a expliqué en détail comment lui et neuf de ses pairs ont voyagé en bateau de Karachi à Mumbai, où ils avaient l'ordre de causer la plus grande dévastation possible en prenant d'assaut la gare centrale, deux hôtels de luxe, un restaurant, des hôpitaux et un centre culturel juif.

Cette confession a laissé pantois les avocats indiens de l'accusé. Jamais, ont-ils dit hier, leur client n'avait signifié qu'il comptait admettre sa culpabilité. En point de presse, l'avocat Abbas Kazmi a accusé les gardiens de pratiquer la «torture mentale» contre le jeune Kasab, gardé en confinement solitaire depuis son arrestation, le 26 novembre dernier.

Récit d'un périple meurtrier

Lors de son témoignage, dont de grands pans ont été rendus publics par les médias indiens, le jeune Pakistanais a raconté qu'il voulait apprendre à commettre des vols à main armée quand il a quitté son petit village du Punjab pakistanais et abordé une organisation de jihadistes à Rawalpindi.

Après avoir formé leurs recrues pendant plusieurs mois au maniement des armes et des explosifs, quatre leaders de Lashkar-e-Toiba - l'organisation islamiste que l'Inde et les États-Unis soupçonnent d'avoir fomenté l'attentat - a dévoilé la mission. Kasab avait l'ordre de se rendre à la gare Chhatrapati Shivaji, véritable coeur de la métropole économique indienne.

«Abu Ismaïl et moi avons ouvert le feu sur le public. Ismaïl utilisait des grenades et moi, j'ai utilisé une mitraillette», a témoigné Kasab, dont une photo, où on le voit en t-shirt bleu armé d'un AK-47 au milieu de la célèbre gare, a fait maintes fois le tour du monde.

Kasab a aussi avoué hier s'être rendu à l'hôpital Cama, où son comparse et lui auraient tué plusieurs personnes. Il a aussi relaté comment des policiers l'ont arrêté alors qu'il essayait de prendre la fuite.

Privé de journaux en détention, l'accusé a dit qu'il a décidé de passer aux aveux après que ses gardiens de prison lui eurent rapporté que le Pakistan avait confirmé qu'il était bien leur ressortissant. La défense de Kasab était basée sur la thèse qu'il était citoyen indien.

Censure et délibération

À la fin du témoignage du présumé terroriste, le juge indien a suspendu le procès jusqu'à aujourd'hui pour mettre en délibéré la place à lui accorder. Des premiers aveux de Kasab, obtenus à l'hôpital au lendemain des attentats, ont été écartés au début du procès.

Le juge a aussi interdit la publication d'une partie du témoignage du Pakistanais, au motif que certains propos pourraient fragiliser l'harmonie entre les différentes communautés religieuses qui cohabitent en Inde.

Pour leur part, les autorités pakistanaises ont réagi aux aveux de Mohammed Ajmal Amir Kasab en affirmant qu'ils avaient été obtenus «sous la contrainte».

 

Le sort du procès

Aujourd'hui, le juge indien qui préside le procès du présumé terroriste Kasab devra décider de la suite des choses. Selon des experts du droit indien, trois scénarios sont envisageables. Le magistrat peut rejeter les aveux et poursuivre le procès. Il peut aussi accepter la validité des aveux et rendre une sentence immédiatement. Selon la troisième option, le juge peut aussi accepter le témoignage mais continuer le procès.