Les autorités chinoises s'appliquaient jeudi à empêcher toute commémoration du 20e anniversaire de l'écrasement dans le sang du mouvement étudiant pour la démocratie. Les policiers ont bouclé la place Tiananmen à Pékin, alors que le dissident Wu'er Kaixi a été placé en détention à Macao.

Aux alentours de la place Tiananmen, les journalistes étrangers ont été bloqués par des agents en civil, insultés et menacés. Les autorités ont également ciblé plus de 6000 sites Internet référencés dans des écoles et des universités. Les pages d'accueil signalent que les sites sont en «maintenance technique» jusqu'à samedi. Le site YouTube est toujours bloqué en Chine depuis mars.

Certaines chaînes étrangères, telles que CNN, sont également remplacées par un écran noir à chaque fois qu'elles diffusent des sujets sur Tiananmen. Les dissidents ont été assignés à résidence ou obligés à quitter Pékin, afin de museler toute tentative de protestation ou de débat.

Wu'er Kaixi, un des dirigeants du «Printemps de Pékin», a été arrêté par les services de l'immigration à Macao, une région administrative spéciale du sud de la Chine, alors que l'on venait de lui refuser d'entrer sur le continent chinois, une interdiction qu'il a qualifiée de «tragédie».

Il a expliqué à l'Associated Press par téléphone avoir passé la nuit en cellule à l'aéroport de Macao, après avoir refusé d'embarquer pour un vol qui le ramenait à Taiwan.

Elena Au, membre du service de presse du gouvernement chinois, a expliqué jeudi qu'elle ne disposait d'aucune information sur la manière dont était traité le dissident. Le gouvernement chinois a également dit respecter «les désirs personnels» de Wu'er Kaixi de retourner en Chine.

Le jeune homme s'était fait connaître pendant la contestation étudiante du Printemps de 1989. Alors gréviste de la faim, il avait interpellé le premier ministre de l'époque Li Peng, lors d'une rencontre télévisée pendant les manifestations.

Numéro deux sur la liste du gouvernement des 21 chefs de la contestation étudiante les plus recherchés après la répression, il a pris la fuite et vit, depuis, en exil à Taïwan.

Dans un communiqué diffusé par un ami, il a dit vouloir se rendre aux autorités chinoises pour pouvoir aller voir ses parents, non autorisés à venir lui rendre visite à Taïwan, et pour mettre au défi les autorités chinoises d'engager un dialogue public sur les événements de Tiananmen. «Quand je me rendrai, j'utiliserai la tribune de la salle d'audience chinoise pour débattre avec le gouvernement chinois de cet incident», promet-il.

Les autorités chinoises s'appliquent à empêcher toute commémoration du Printemps de Pékin, dont elles n'ont jamais révélé le bilan humain -plusieurs centaines de morts, voire plusieurs milliers selon des estimations. Le pouvoir tente de museler toutes les voix qui pourraient raconter Tianamen, notamment à une jeunesse largement ignorante de ce qui s'est vraiment passé sur la place il y a 20 ans.

À Washington, la secrétaire d'État Hillary Clinton a déclaré dans un communiqué mercredi que la Chine doit «examiner ouvertement les événements plus sombres de son passé et fournir un bilan public sur ceux qui ont été tués, détenus ou disparus, à la fois pour apprendre et pour panser les plaies». Elle a exhorté Pékin à relâcher tous les manifestants encore en prison et à entamer des discussions avec les familles des victimes.

Le porte-parole du ministre chinois des Affaires étrangères a qualifié ces propos d'«ingérence dans les affaires intérieures de la Chine».

«Nous appelons les États-Unis à mettre de côté leur préjugés politiques et à corriger leur mauvaise conduite, et à s'abstenir d'interrompre ou de saper les relations bilatérales», a déclaré le porte-parole lors d'une conférence de presse, refusant de commenter les mesures de sécurité mises en place, et même de les confirmer. «Ce jour est comme n'importe quel autre jour», a-t-il lâché.

À Hong Kong en revanche, la situation contraste avec celle du reste de la Chine. Des dizaines de milliers de personnes étaient attendues jeudi dans l'ancienne colonie britannique pour participer à des veilles à la bougie organisées chaque année en souvenir des victimes de la répression.