Des dissidents très connus en Chine ont été éloignés de Pékin et d'autres subissent une surveillance de tous les instants à une semaine du 20e anniversaire de la répression du mouvement prodémocratique de Tiananmen, ont déclaré mercredi ces opposants ou leurs proches.

L'une des voix les plus critiques du régime, l'ancien haut responsable communiste Bao Tong, 76 ans, a été emmené par la police à Huangshan, un massif montagneux qui est l'un des lieux touristiques les plus visités de l'est de la Chine. «On ne l'a pas forcé. Ils étaient contents qu'il ne résiste pas», a dit son fils Bao Pu, depuis Hong Kong à l'AFP.

Selon ce dernier, Bao Tong avait accepté de quitter la capitale avant la publication à la mi-mai en anglais des mémoires de Zhao Ziyang, le secrétaire général du Parti communiste destitué pour s'être opposé au recours à la force en juin 1989.

Bao Tong, qui était le bras droit de Zhao Ziyang, doit revenir le 7 juin. Son fils a publié dans l'ancienne colonie britannique la version chinoise du livre de Zhao, mort en janvier 2005 après plus de 15 ans de résidence surveillée.

Il est le seul haut dirigeant à avoir passé plusieurs années en prison pour avoir sympathisé avec les étudiants il y a 20 ans.

Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, après six semaines de manifestations pro-démocratiques et pacifiques à Pékin et la proclamation de la loi martiale le 20 mai, l'armée chinoise étaient intervenue pour évacuer la place Tiananmen, où des étudiants observaient une grève de la faim.

Chaque année, à l'approche de l'anniversaire, les autorités renforcent la sécurité pour éviter tout trouble et les événements de 1989, qualifiés de «rébellion contre-révolutionnaire», restent tabous en Chine.

Un autre dissident, Qi Zhiyong, qui avait perdu une jambe après avoir été atteint par une balle lors de la répression, a expliqué avoir été forcé par la police de quitter Pékin lundi.

Mais, a-t-il dit, il a dû revenir dans la capitale, car il avait oublié d'emporter ses médicaments.

«Actuellement, ils renforcent la surveillance sur moi et ils m'accompagnent partout où je vais», a-t-il indiqué à l'AFP.

Un autre militant des droits de l'Homme, Jiang Qisheng, a expliqué que la police se trouvait à l'extérieur de sa maison de Pékin 24 heures sur 24 et le suivait en permanence.

Jiang, un professeur de philosophie, a passé quatre ans en prison, pour avoir appelé à commémorer l'anniversaire des dix ans de la répression en 1999.

Dans une interview accordée au début du mois à l'AFP, Bao Tong avait estimé qu'elle avait eu «un impact négatif grave et fait de la Chine un pays sans voix, où personne ne peut demander justice».

Mardi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Ma Zhaoxu a été interrogé par un journaliste sur d'éventuelles excuses du gouvernement.

«Il n'est pas convenable pour vous d'employer le mot excuse en posant votre question», a-t-il répondu, réaffirmant que concernant «les troubles politiques de la fin des années 80, notre Parti et gouvernement ont établi une conclusion sans équivoque».

Peu après la répression, un rapport de la municipalité de Pékin avait fait état de 241 morts: 218 civils et 23 militaires. Selon ce bilan, 36 étudiants des universités de Pékin avaient été tués.

Mais les organisations de défense des droits de l'Homme évoquent des centaines, voire des milliers, de morts et exigent du gouvernement qu'il établisse la vérité sur les événements.