Les essais nucléaires de la Corée du Nord vise moins à renforcer la position de Pyongyang dans les négociations internationales sur le désarmement nucléaire qu'à affermir l'emprise sur le pouvoir d'un Kim Jong-il affaibli, selon des experts.

L'essai de lundi, le deuxième après celui d'octobre 2006, s'inscrit dans «la stratégie de Kim visant à consolider le soutien à son régime dans le cercle du pouvoir et dans la population», estime Peter Beck, spécialiste de la Corée à l'American University à Washington. Par cette manifestation de puissance, Kim entend montrer à l'appareil de pouvoir nord-coréen qu'il détient encore les cartes pour régler notamment la question de sa succession.

Un sujet d'autant plus crucial que le leader communiste nord-coréen, âgé de 67 ans, aurait été victime d'une attaque cérébrale en août 2008 dont il se serait rétabli depuis, selon les services secrets américain et sud-coréen. Kim Jong-il «n'est pas en forme et il le sait bien», estime M. Beck.

«Kim tente d'impressionner les cadres et l'élite en général en voulant montrer que cet essai nucléaire représente une réussite et ainsi convaincre que sa famille doit conserver les rênes», analyse encore M. Beck, alors que Kim pourrait désigner l'un de ses fils comme son successeur.

De plus en plus isolé, le régime de Pyongyang a également une longue histoire de crises internationales provoquées à dessein pour faire monter les enchères puis négocier en position de force.

Peu après son premier essai atomique, Pyongyang était revenu à la table des négociations sur sa dénucléarisation. La Corée communiste avait alors arraché en 2007 le principe d'une substantielle aide énergétique contre un renoncement à ses ambitions atomiques.

Ces laborieuses tractations, entamées en 2003 et impliquant cinq autres partenaires (Corée du Sud, États-Unis, Chine, Japon, Russie) sont aujourd'hui complètement enlisées.

Mais cette fois, estiment les experts, Pyongyang semble n'avoir plus grand chose à gagner dans les négociations.

Le fait d'avoir procédé à un essai nucléaire si peu de temps après le lancement d'une fusée à longue portée début avril, déjà condamné par la communauté internationale, «montre que Pyongyang a renoncé à sa volonté de façade de négocier», estime Bruce Klingner, expert auprès du centre de réflexion américain Heritage Foundation.

Selon lui, la Corée du Nord est plus attachée à mener à bien un programme technologique stratégique qu'à peser davantage dans des négociations tactiques.

Ce revirement dans la stratégie de Pyongyang pourrait avoir été provoqué par «la détérioration de la santé de Kim Jong-il et la volonté de mener à bien les objectifs nucléaires avant sa mort ou sa passation de pouvoir», analyse encore M. Klingner.

Pour certains cependant, le Nord pourrait accepter de revenir à la table des négociations mais uniquement en tant que puissance nucléaire reconnue, une revendication que Séoul, Washington et Tokyo ont toujours refusée.

Pyongyang serait «intéressée par des négociations sur le contrôle des armes nucléaires mais seulement dans le cadre de discussions entre deux puissances nucléaires établies, négociant une réduction mutuelle de leur arsenal mais n'y renonçant pas entièrement», estime Victor Cha, ex-conseiller du président George W. Bush sur les affaires coréennes.

«La seule façon pour la RPDC (République populaire et démocratique de Corée) d'envisager un dialogue est un changement dans l'attitude des États-Unis. Les autres pays n'ont aucun véritable moyen de faire revenir la Corée du Nord à la table des négociations», soulignait mardi un journal pro-Pyongyang publié à Tokyo.