L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a nié mardi avoir enfreint les règles de son assignation à résidence en offrant un «abri temporaire» à un Américain qui s'est invité chez elle début mai après avoir traversé un lac à la nage.

Mme Suu Kyi, 63 ans, lauréate du prix Nobel de la paix, était appelée à la barre pour la première fois depuis le début de son procès le 18 mai dans la prison d'Insein, au nord de Rangoun, qui a suscité une vive indignation internationale, ont indiqué des journalistes et des diplomates présents à l'audience. Un juge a demandé à la figure de proue de l'opposition birmane si elle reconnaissait avoir violé les restrictions liées à son assignation à résidence. «Je n'ai pas» enfreint ces règles, a-t-elle répondu.

Aung San Suu Kyi est formellement accusée d'avoir hébergé les 4 et 5 mai un Américain de 53 ans, John Yettaw, qui, dans des circonstances mystérieuses, a réussi à gagner à la nage sa demeure, située au bord du lac Inya, à Rangoun.

M. Yettaw, mormon et ancien militaire qui est lui aussi jugé avec les deux dames de compagnie de Mme Suu Kyi, avait affirmé la semaine dernière qu'il s'était rendu chez l'opposante après avoir eu «une vision selon laquelle elle allait être assassinée».

«Je n'ai pas eu connaissance immédiatement (de la visite de M. Yettaw). J'en ai été informée à 05h00 du matin (le 4 mai). Mon assistante m'a dit qu'un homme était arrivé», a-t-elle déclaré devant la Cour.

En réponse à une autre question, Mme Suu Kyi a dit qu'elle n'avait «pas informé» les autorités de l'intrusion de l'Américain.

Comme on lui demandait de confirmer si elle avait donné à M. Yettaw de la nourriture et l'avait autorisé à rester chez elle, l'opposante a dit: «Je lui ai permis d'avoir un abri temporaire».

Elle a précisé que l'intrus avait quitté sa demeure à 23h45 le 5 mai, ajoutant: «J'ai su seulement qu'il était parti vers le lac (...) Il faisait sombre».

Mme Suu Kyi risque de trois à cinq de prison si elle est condamnée pour cette rocambolesque affaire. Assignée à résidence depuis 2003, elle a été privée de liberté au total pendant plus de 13 des 19 dernières années.

Les chancelleries occidentales ont qualifié le procès de Mme Suu Kyi de «farce» visant à justifier son maintien en détention, alors que le régime militaire entend organiser des élections controversées en 2010 et qu'il considère l'opposante comme un danger et une menace pour ses projets politiques.

Depuis 2008, la junte commençait à être à court d'arguments juridiques pour justifier le maintien en détention de Mme Suu Kyi au-delà des cinq ans autorisés par une «Loi visant à protéger l'État des dangers émanant d'éléments subversifs».

Mardi matin, le régime birman avait assuré, par la voix du général de police Myint Thein, qu'il était en droit de prolonger encore de six mois l'ordre d'assignation à résidence de Mme Suu Kyi qui expire mercredi et qu'il avait même «sérieusement envisagé» de la libérer avant que n'éclate l'affaire Yettaw.

En fin de journée, Nyan Win, porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) et qui fait partie de l'équipe de défense de Mme Suu Kyi, a annoncé que le même général Myint Thein avait remis mardi à Mme Suu Kyi une lettre lui notifiant la fin officielle de son assignation à résidence.

«Cela rend plus probable une peine de prison plus longue» qui «l'écarterait du processus politique», a estimé un diplomate occidental en poste à Rangoun.