Les talibans ont commencé vendredi à se retirer du district de Buner, dans le nord-ouest du Pakistan, qu'ils occupent depuis plusieurs jours au mépris d'un accord de cessez-le-feu très controversé et considéré comme une capitulation par Washington.

Au moment même où elles annonçaient la nouvelle, les autorités locales promettaient d'appliquer «sans retard» à Buner cet accord conclu mi-février avec ces combattants islamistes proches d'Al-Qaïda, et prévoyant l'instauration de tribunaux islamiques en échange de la cessation des combats.

Cet accord de cessez-le-feu, conclu tandis que l'armée ne parvenait pas à venir à bout des talibans qui occupaient la vallée de Swat depuis deux ans, prévoyait aussi que les islamistes devaient déposer les armes. Il était considéré par Washington et une large partie de l'opinion publique pakistanaise comme une capitulation devant les extrémistes.

«Ils sont en train de se retirer de Buner», a déclaré vendredi soir à Peshawar, capitale de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP), Mian Iftikhar Hussain, ministre de l'Information du gouvernement provincial, à l'issue d'une réunion de tous les partis politiques.

«Les talibans se sont déjà retirés de quelques endroits et nous achèverons ce retrait dans quelque temps», a peu après déclaré à l'AFP Muslim Khan, au téléphone à partir d'un lieu indéterminé.

Le cessez-le-feu en fait permis aux talibans de Swat, liés à Al-Qaïda et aux talibans afghans, de pousser leur avantage sur le terrain en s'emparant, en début de semaine, du district voisin de Buner.

Une centaine de paramilitaires avaient pris position dès jeudi soir dans certains postes de police de Buner, mais les talibans patrouillaient toujours en ville vendredi à la mi-journée, lourdement armés, selon la police et des habitants.

«Les talibans nous ont assuré qu'ils allaient cesser de patrouiller dans la région de Malakand», dans laquelle est censé s'appliquer l'accord sur les tribunaux islamiques, et qui comprend les districts de Swat et Buner notamment, a assuré Mohammad Javed, un responsable des autorités locales, joint au téléphone à Buner. «Ils ont également promis de ne plus intervenir dans les affaires du gouvernement», a-t-il précisé.

Les talibans avaient déjà promis la même chose après que le président Asif Ali Zardari eut promulgué l'accord controversé il y a dix jours. Leur porte-parole Muslim Khan a même promis en début de semaine que ses combattants allaient porter le jihad dans tout le pays pour y faire régner la loi islamique, la charia.

Après plusieurs jours de mutisme du gouvernement, qui avait déclenché la colère des médias pakistanais et d'une grande partie de l'opinion, le Premier ministre Yousuf Raza Gilani avait averti vendredi matin que l'accord de Swat pourrait être remis en cause si les talibans ne le respectaient pas.

Mercredi, la chute de Buner a provoqué de nouvelles réactions hostiles de Washington, dont Islamabad est l'allié-clé depuis fin 2001 dans sa «guerre contre le terrorisme».

La secrétaire d'Etat Hillary Clinton s'est alarmée de «la menace pour l'existence de l'Etat du Pakistan que représente la progression continue des talibans», et redouté qu'ils ne soient un jour à même de «prendre le contrôle» de cet «Etat nucléaire».

«Nous avons appelé ceux qui ont brandi les armes à les baisser pour la sauvegarde du processus de paix», a déclaré vendredi le ministre Hussain à l'issue de la réunion des partis à Peshawar, affirmant : «les participants ont approuvé à l'unanimité l'application sans retard à Buner» de l'accord sur les tribunaux islamiques.